Emily Barr, Flora Banks

Publié le par calypso

 

Toutes les deux heures, Flora Banks oublie tout.

Elle ne sait même plus qui elle est.

Quelques post-it l’aident à se souvenir, ou des indices qu’elle écrit sur son bras. Elle se rappelle alors l’âge qu’elle avait lorsque son esprit s’est détraqué. Elle sait aussi qu’elle ne doit plus jamais contacter sa meilleure amie.

Il lui faut également trouver son passeport, aussi vite que possible. Elle veut à tout prix se rendre à Spitzberg en Arctique, là où se trouve Drake. Le baiser qu’elle a échangé avec lui est le seul souvenir qui ne s’efface pas.

Persuadée qu’il détient la clé de son amnésie, Flora s’embarque dans un incertain voyage pour être au rendez-vous avec cette mystérieuse personne qu’elle connait si mal : elle-même.

 

Flora se souvient d’avoir embrassé Drake. Elle l’a embrassé la veille au soir, sur la plage. Elle se le répète tel un mantra, comme si les mots pouvaient redonner vie à l’événement et lui assurer que cette scène a vraiment eu lieu. Flora a embrassé Drake, elle l’a même écrit en rentrant sur un cahier et aussi sur un post-it. Elle l’a embrassé, c’est sûr, et ce qui est incroyable, c’est que ce moment est son seul souvenir depuis ses 10 ans et Flora en a 17. Atteinte d’une amnésie antérograde, Flora sait qui sont ses parents et sa meilleure amie, elle les connaissait déjà avant l’opération qui a bouleversé sa vie. Elle connaît sa maison, elle connaît son quartier. Mais les sept dernières années n’existent pas dans sa mémoire et toutes les deux heures, elle oublie… Elle oublie son âge, ce qu’elle a fait le matin même ou le mois précédent. Alors, elle écrit sur son cahier, sur des post-it mais aussi sur ses mains sur lesquelles figurent notamment deux mentions essentielles : « Flora » et « Sois forte ». Flora a embrassé Drake, la veille au soir, sur la plage, et elle est certaine de l’aimer. Le problème, c’est que Drake est le petit copain de sa meilleure amie et qu’il doit partir au Spitzberg…

Je n’en dirai pas plus sur ce roman de peur de trop en dévoiler. Ce qui est sûr, c’est qu’il m’a complètement happée. Je reconnais qu’il m’a rendue perplexe plus d’une fois et que l’histoire aurait gagné en crédibilité si elle avait été plus simple, mais vraiment quelle belle maîtrise de la narration ! Le récit à la première personne plonge le lecteur dans les pensées de Flora, c’était évidemment la seule option possible : Flora est notre unique point de repère mais elle oublie, hésite, méconnaît trop d’informations pour avoir une vision nette des situations vécues. C’est un personnage attachant car nécessairement perdu et ses efforts pour comprendre, trouver des réponses à ses questions et avancer sont admirables. Flora oubliant sa vie toutes les deux heures, le récit aurait pu être extrêmement répétitif, il n’en est rien. Au contraire, les redites, c’est-à-dire les moments où Flora redécouvre inlassablement ce qu’elle est en train de vivre, entraînent le lecteur dans un véritable tourbillon qui mime le caractère étouffant et épuisant de l’amnésie. C’est à mon avis un très bon roman pour les adolescents et plus.

Un grand merci à Babelio et aux Éditions Casterman pour cette lecture !

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Je suis dans l’instant. Vivre le plus possible dans l’instant doit devenir une de mes règles de vie. On n’a pas besoin de souvenirs pour ça. » (p.204)

 

« Je suis assise au bord d'une route. Drake n'est pas avec moi. Drake n'est nulle part.

À l'intérieur de ma tête, c'est le chaos. C'est un incendie. C'est une tempête de neige. C'est la jungle. C'est le désert arctique. C'est à la fois tout ce qui s'est jamais produit et tout ce qui se produira jamais.

Le temps est un élément aléatoire. C'est la chose qui nous fait vieillir. Les humains s'en servent pour organiser le monde. Ils ont inventé un système pour essayer de mettre en ordre le hasard. Tous les êtres humaines, tous sauf moi, vivent leur vie découpée en heures, en minutes, en jours et en secondes, mais ces choses ne sont rien. L'univers rigolerait bien de nos tentatives pour l'organiser, si seulement il daignait s'y intéresser.

Le temps est ce qui fait flétrir et pourrir nos corps. Voilà pourquoi ils ont peur de lui. Mais moi, ça ne m'atteint pas: je sais que je ne vieillirai jamais. » (p.231)

 

Publié dans Littérature anglaise

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