Fawzia Zouari, Par le fil je t'ai cousue

Publié le par calypso

 

« Du fil, du sang et des mots. Il n'en faut pas plus pour faire disparaître le corps d'une fille. ».

À la veille de partir à l'internat, Bagassa se plie une dernière fois aux exigences de sa mère. Aucune de ses soeurs aînées n'a fait d'études. Pourquoi suivre ce soudain élan de modernité auquel le pays est en proie ? Dans la Tunisie rurale des années 60, la place d'une femme est à la maison, sous l'autorité de sa mère toute-puissante. Mais le père a insisté. Ce sortilège ancestral, auquel la fillette se soumet, ce sera le dernier. Demain, elle coupera le fil. Demain, elle sera libre. La première à emprunter le chemin de l'émancipation...

 

Lecture n°7 dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs Pocket – Sélection Littérature française.

 

Dans Par le fil je t’ai cousue, Fawzia Zouari prend la plume pour nous raconter son enfance tunisienne. Nous sommes dans les années 60, les traditions sont tenaces et le chemin semble tout tracé pour les filles. Dans cette société patriarcale, la narratrice peine à trouver sa place et souffre de solitude. Elle observe attentivement les membres de sa famille et les gens de son village, porte un regard éclairé sur les mutations qui commencent à transformer son pays et comprend que son salut viendra de son instruction. Elle veut apprendre, ne pas ressembler à ses sœurs aînées et devenir une femme libre. Étonnamment, c’est son père qui sera à l’origine de son émancipation…

Le récit autobiographique de Fawzia Zouari raconte avant toute chose la constitution d’une identité. Identité multiple, complexe, à la croisée de plusieurs sphères, la famille et la société, la tradition et la modernité, la soumission et l’affranchissement. Les détails sont nombreux, les situations vécues abondantes, ce qui fait que le lecteur est réellement plongé dans une époque, un lieu et un mode de vie dont il découvre peu à peu l’ensemble des rouages. Fawzia Zouari parvient à recréer l’atmosphère de son enfance et à rendre palpables les émotions. C’est une œuvre très riche et à l’écriture contrastée, une écriture qui dit les choses de manière brute et qui est ponctuée en même temps d’élans lyriques. Il manque pourtant quelque chose à ce récit, que j’ai d’ailleurs du mal à expliquer ou à nommer, un souffle peut-être, une limpidité, voire une linéarité, une réserve que j’attribue à quelques longueurs et à l’alternance entre des passages poignants et d’autres plus obscurs et, il faut le dire, moins intéressants.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Je me reprends à penser que nos enfances se détachent de nous comme se détachent les glaciers. L’enfant que nos fûmes s’en va. Mais se retourne souvent. C’est alors que son regard brouille les contours de nos existences, et nous ne savons plus qui, de l’adulte d’aujourd’hui ou de l’enfant d’hier, appartient à la réalité. » (p.19)

 

« Je grandissais seule. Dieu était là, mais Il était affairé ailleurs. Les adultes étaient présents, mais ils s’occupaient des affaires de Dieu. La nature m’entourait, me traversait, m’impressionnait, mais elle ne m’enlevait pas le sentiment d’être sans compagnie. Si bien que je pense parfois l’enfance comme une solitude avant tout. Un territoire de confinement situé au milieu de l’indifférence adulte. » (p.109)

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