Annette Muller, La petit fille du Vel d'Hiv

Publié le par calypso

 

« Soudain j'ai entendu des coups terribles contre la porte. On s'est dressées, le coeur battant. Les coups ébranlaient la porte et résonnaient dans la maison. Ça tapait fort dans mon coeur, dans ma tête. Je tremblais de tout mon corps. Deux hommes sont entrés dans la chambre, grands, avec des imperméables beiges. "Dépêchez-vous, habillez-vous", ont-ils ordonné. "On vous emmène"... »

16 juillet 1942 : Annette a neuf ans. Elle est l'une des rares enfants juifs à avoir survécu après la rafle du Vel d'Hiv.

 

« Je voulais juste qu’on parle des enfants… » Ce sont les premiers mots qui nous sont offerts lorsque l’on ouvre La petite fille du Vel d’Hiv. Cette petite fille, c’est Annette Muller, et nous sommes en 1976 lorsqu’elle décide d’écrire à son tour sur la Shoah en livrant son expérience personnelle. Elle a fait partie de ces enfants dont a tardé à parler, comme on a tardé à considérer la responsabilité du Régime de Vichy dans leur internement et leur déportation. De l’incompréhension et de la colère face à tant de destins tragiques tus, est née la volonté de prendre la plume pour raconter. Mais son manuscrit n’intéresse pas les éditeurs et il faudra attendre 1991 pour qu’enfin son texte soit publié ou plus précisément la première partie, l’intégralité ne le sera qu’en 2009. La première partie est consacrée aux souvenirs d’enfance de la narratrice, à la rafle et aux jours passés au Vel d’Hiv et au camp de Beaune-La-Rolande. La deuxième partie s’arrête sur les différents établissements dans lesquels Annette Muller s’est ensuite retrouvée – l’asile Lamarck, l’orphelinat catholique, la maison d’enfants – avant de pouvoir de nouveau vivre avec son père et ses frères. La première moitié du récit est pour moi essentielle et nécessaire, notamment pour sa description minutieuse de l’horreur vécue au Vel d’Hiv ; on a beau savoir, parce que les témoignages ne manquent pas, c’est toujours terrible d’avoir à lire la tragédie qui s’y est jouée. La suite est également très intéressante car elle permet de comprendre le parcours de la jeune fille dans sa globalité. Si l’écriture peut parfois paraître confuse, elle offre néanmoins à certains passages une intensité exceptionnelle.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Ils étaient 4000 enfants juifs, en juillet 1942, qui, comme moi, faisaient des rêves.

4000 enfants juifs, mes compagnons de route, Rosa, Joseph, Henri, Nathalie, qui se réjouissaient de l’été, la tête emplie de projets et de promesses.

Mes 4000 compagnons du Vel d’Hiv, de Beaune, de Pithiviers, de Drancy.

Partis en train pour un très long voyage. Mes amis qui, comme moi, faisaient des rêves. Ils sont tous morts, tous morts, tous morts. » (p.59-60)

 

« Depuis, sans cesse, je revois le couloir de la maison, je revois les tiroirs ouverts, les lits défaits, les vêtements épars, la couverture verte et, couchée dessus, les yeux fermés, Marie-Claire, ma poupée. J’entends la porte qui se referme et nous descendons l’escalier en silence, portant les balluchons de drap blanc, les inspecteurs fermant la marche. Longtemps, longtemps, en rêve, j’ai descendu les escaliers de la maison et il me semblait qu’il suffirait que je les remonte pour que tout recommence comme avant : la maison chaude, le bruit des machines à coudre et nos rires joyeux. » (p.64-65)

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M
Un roman pour la jeunesse et les ados que j'ai beaucoup aimé découvrir moi-aussi. A lire et faire lire
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