Maria Rosaria Valentini, Magnifica

Publié le par calypso

 

Années 50. Dans un petit village des Abruzzes. La jeune Ada Maria est la fille d’un couple sans amour. Son père, Aniceto, passe le plus clair de son temps avec Teresina, sa maîtresse, ou enfermé dans son atelier de taxidermiste. Eufrasia se contente d’être mère et de noyer sa fragilité dans les soins qu’elle apporte à ses enfants.

Lorsqu’elle meurt prématurément, Teresina prend peu à peu sa place dans la maison. La jeune Ada Maria s’occupe alors de son frère en s’efforçant d’ignorer Teresina. C’est pourtant dans ce quotidien en dehors du temps, rythmé par la couleur des frondaisons, la succession des naissances et des deuils, que l’Histoire fait un jour irruption. Dans un bois avoisinant le village, Ada Maria aperçoit un jour une ombre. Il s’agit d’un homme, hagard, désorienté, il n’a jamais quitté la cabane où il s’est réfugié à la fin de la guerre. Il est allemand. Les deux êtres vont se rapprocher. De cet amour naîtra une petite fille aux yeux clairs et à la peau diaphane, Magnifica, changeant à tout jamais le destin tranquille auquel Ada Maria se croyait cantonnée.

 

Nomen omen peut-on lire dès les premières lignes de Magnifica, roman de Maria Rosaria Valentini paru en toute discrétion dans la chaleur du mois d’août. C’est une référence au doux prénom de l’une des héroïnes, mais c’est également le roman dans son intégralité qui se fait l’écho de la locution latine.

Magnifica possède un stylo doré qui est devenu pour elle une véritable obsession et sans lequel « elle se sent nue ». Avant d’être un stylo, c’était une petite boîte en bois enveloppé dans du lin blanc, et cette petite boîte, avant d’être dans sa main, se trouvait dans celle de son fils, Andrea. Avec ce stylo, des dizaines de petits billets laissant apparaître le fil d’une écriture familière. « Ton histoire, la mienne ». Et Andrea est parti, laissant sa mère en proie à de nombreuses interrogations. Parce que l’espérance comble l’attente, il devient urgent de se souvenir, de reconstituer le passé et de guérir, par cet acte, la mélancolie. Réécrire l’histoire et dénouer le fil. L’anecdote du stylo prend dès lors une valeur symbolique. Le lecteur est invité à remonter le temps pour découvrir l’histoire de trois femmes – Eufrasia, la grand-mère, Ada Maria, la mère, et Magnifica, la fille – histoire dont le cœur est constitué par l’éveil sensuel et amoureux d’Ada Maria. Trois destins qui s’entremêlent, avec leur cortège de disparus et de papillons…

Laissez-moi vous dire ce que je pense de ce roman : c’est une petite merveille. La première de couverture l’annonce – quel choix intelligent, le tableau de Waterhouse est sublime – et la quatrième de couverture n’est pas mensongère, le résumé du moins est conforme au contenu, il tait juste la délicatesse du style qui, de fait, est une vraie belle surprise. Car c’est le véritable point fort de ce roman : une écriture poétique qui exalte les sensations et transforme l’anecdotique en œuvre d’art. C’est un texte profondément sensible qui déroule une histoire somme toute assez simple, où l'émotion transcende l’action, et où l’événement ne se situe pas en dehors mais à l’intérieur des êtres. Chaque thème – l’amour, la mort, la fraternité, la guerre – est traité avec beaucoup d’élégance. A découvrir !

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Elle ne comprit ni ses paroles ni ses gestes. Mais elle sut clairement - à cet instant et pour toujours - qu'il n'y a pas de mal, pas de honte, pas de danger, pas d'injonction ni de jugement quand on aime. »

 

« Les jours pour Benedikt étaient des coquilles brisées, des lambeaux de tissu, des sacs troués. Les dates inexistantes, vaines, ridicules. Le temps pour lui s'allumait et s'éteignait facilement, comme avec l'interrupteur de la torche ; et il n'avait de sens, de corps et de souffle que quand Ada Maria venait à la Faggeta. »

 

« Ce père, combien de fois l'avait-elle détesté ? Ada Maria essaya d'y penser, de faire un calcul. Elle atteignit un chiffre déconcertant. Combien de fois avait-elle souhaité ne plus jamais le voir ? Plein de fois. Elle aurait voulu le tenir à distance, peut-être même l'oublier. Elle aurait voulu lui dire ses quatre vérités, un jour.

Mais en le découvrant ainsi - fil de fer sans défense, avec d'autres pieds, d'autres mains - elle se surprit à effacer immédiatement tous ses torts.

Elle effaça les blessures, les imprudences, les absences.

Entre eux subsistait à présent - unique, solide - une ribambelle de papillons, d'ailes, d'envols.»

 

« Dans sa tête elle se sentait mère et grand-mère, même si en réalité elle n'était ni l'une ni l'autre. Parfois il suffit d'aimer pour devenir quelqu'un ou quelque chose. »

 

 

 

Magnifica

Auteur : Maria Rosaria Valentini

Traductrice : Lise Caillat

Parution : 23/08/2018

 

Publié dans Littérature italienne

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