Hervé Bazin, Vipère au poing
Vipère au poing, c'est le combat impitoyable livré par Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon, et ses frères, à leur mère, une femme odieuse, qu'ils ont surnommée Folcoche. Cri de haine et de révolte, ce roman, largement autobiographique, le premier d'Hervé Bazin, lui apporta la célébrité et le classa d'emblée parmi les écrivains les plus lus du XX° siècle.
Un seul regret à la lecture de ce livre : ne pas l'avoir lu plus tôt. Un vrai coup de coeur !
L'histoire, particulièrement touchante, pourrait se résumer, de manière simpliste, aux affrontements perpétuels entre une mère, Folcoche (mélange de « folle » et de « cochonne »), et ses trois fils. Mais l'essentiel réside dans le style et l'écriture : l'oeuvre témoigne du regard désabusé d'un jeune adulte sur son enfance, dévoilant, d'une plume acerbe et sarcastique, toute la noirceur de cette femme qui lui tint lieu de mère. Ce « drame », puisque l'auteur définit ainsi son histoire, ne manquera pas de vous faire sourire, tant l'humour y est manié avec la plus grande délicatesse...
L'oeuvre en quelques mots...
« Le hasard donc, le même hasard qui fait que l'on naît roi ou pomme de terre, que l’on tire une chance sur deux milliards à la loterie sociale, ce hasard a voulu que je naisse Rezeau, sur l’extrême branche d’un arbre généalogique épuisé, d’un olivier stérile complanté dans les derniers jardins de la foi. Le hasard a voulu que j’aie une mère. »
« Grand-mère mourut. Ma mère parut.
Et ce récit devient drame. »
« Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? […] Partout ailleurs ! »
« J’entre à peine dans la vie et, grâce à toi, je ne crois plus à rien, ni à personne. Celui qui n’a pas cru en mon Père, celui-là n’entrera pas dans le royaume des cieux. Celui qui n’a pas cru en sa mère, celui-là n’entrera pas dans le royaume de la terre. Toute foi me semble une duperie, toute autorité un fléau, toute tendresse un calcul. Les plus sincères amitiés, les bonnes volontés, les tendresses à venir, je les soupçonnerai, je les découragerai, je les renierai. L’homme doit vivre seul. Aimer, c’est s’abdiquer. Haïr, c’est s’affirmer. Je suis, je vis, j’attaque, je détruis. Je pense, donc je contredis. Toute autre vie menace un peu la mienne, ne serait-ce qu’en respirant une part de mon oxygène. »
« Cette vipère, ma vipère, dûment étranglée, mais partout renaissante, je la brandis encore et je la brandirai toujours, quelque soit le nom qu’il te plaise de lui donner : haine, politique du pire, désespoir ou goût du malheur ! Cette vipère, ta vipère, je la brandis, je la secoue, je m’avance dans la vie avec ce trophée, effarouchant mon public, faisant le vide autour de moi. Merci, ma mère ! Je suis celui qui marche, une vipère au poing. »