Mes lectures de septembre 2008
Et puis, t'aimerais pas un jour vivre là-dedans ? Avec un homme et des gosses. En famille quoi. Il a dit. J'ai ri. Ça devenait comme un conte de fées. Et les achélèmes étaient comme un palais. Déjà je m'imaginais dans la salle d'eau carrelée - lavabo sur pied, robinets qui fuient pas - faisant un shampooing à mes mômes. Moi les enfants j'aime. Un shampooing-douceur. Aux extraits naturels d'herbe. Le naturel, y a rien de mieux. Des mômes blonds comme les blés. Comme lui.
Une jeune femme entre dans une pâtisserie pour acheter un gâteau d'anniversaire à son fils mais il est mort depuis longtemps. Dans l'arrière-boutique, une vendeuse pleure en silence. Une romancière vit dans un appartement donnant sur un jardin potager qui regorge de légumes, de surprenants légumes... Un journaliste arrive dans un hôtel sur lequel il doit écrire un article. Dans sa chambre s'est installée une femme. Elle s'en va aussitôt mais ne quitte pas les abords de l'hôtel. Elle rôde en portant un curieux fardeau. Une maroquinière confectionne pour une chanteuse de bar un sac délicat et précieux dans lequel la belle va déposer son cœur : étrange excroissance, difformité fragile posée non pas à l'intérieur mais à l'extérieur de sa cage thoracique... Dans chacune de ces onze nouvelles, un détail, parfois infime, évoque la précédente ou annonce la suivante pour former un ruban, une spirale, une chaîne soutenant la trame du livre et créant ainsi une subtile mise en abyme.
Incontournable chef d'ouvre de la Résistance, Le Silence de la mer fait le récit d'une rencontre forcée entre un officier allemand et une famille française obligée de l'héberger. Les nouvelles réunies dans ce recueil présentent la sinistre vérité d'une époque : celle, de l'occupation, de la collaboration, de l'holocauste. Grâce aux montages narratifs subtils, aux jeux sur le point de vue et l'énonciation, l'indignation s'exprime par des touches brèves, mais intenses, qui retentiront longtemps dans l'esprit des élèves.
Les personnages de ces douze nouvelles sont pleins d'espoirs futiles, ou de désespoir grave. Ils ne cherchent pas à changer le monde. Quoi qu'il leur arrive, ils n'ont rien à prouver. Ils ne sont pas héroïques. Simplement humains. On les croise tous les jours sans leur prêter attention, sans se rendre compte de la charge d'émotion qu'ils transportent et que révèle tout à coup la plume si juste d'Anna Gavalda. En pointant sur eux ce projecteur, elle éclaire par ricochet nos propres existences.