Rachel Kadish, De sang et d'encre
2017, Londres. Professeur d’université proche de la retraite, Helen Watt est contactée par un ancien élève afin de venir étudier des documents en hébreu récemment découverts dans une maison du XVIIe siècle. Très vite, elle est intriguée par l’auteur de ces manuscrits, un certain « Aleph », dont elle va vouloir déterminer l’identité.
1660, Amsterdam. Ester Velasquez est une femme d’une intelligence et d’une culture exceptionnelles. Secrétaire bien-aimée d’un rabbin aveugle fuyant l’Inquisition espagnole, elle le suit à travers l’Europe et jusqu’à Londres, au moment où la ville est touchée par la peste.
De sang et d’encre est un roman dense, très dense, si l’on considère le nombre de pages d’abord, 565, et l’écriture ensuite, attendez-vous en effet à de petits caractères qui ne facilitent pas la lecture. Ce n’est pas un roman destiné uniquement aux érudits, à mon sens la littérature s’offre à tous, mais c’est un roman incontestablement exigeant. Mieux vaut se plonger dans cette lecture en étant libéré de toute préoccupation et en ayant conscience que l’on va pénétrer dans une période historique passionnante mais complexe. C’est en tout cas le sentiment qui a animé ma lecture et, je dois bien l’avouer, je ne m’étais pas assez préparée à cela ; d’ailleurs, je suis convaincue de ne pas avoir lu ce roman au bon moment. En effet, j’ai eu énormément de mal à entrer dans l’histoire et j’ai avancé au rythme d’une tortue, reprenant parfois certaines pages, voire certains chapitres. Et pourtant, je peux affirmer que c’est un bon roman, ce qui peut paraître paradoxal, j’en suis bien consciente. L’histoire entremêle deux périodes historiques et c’est un choix narratif que j’affectionne particulièrement. J’ai toutefois largement préféré suivre les aventures d’Ester en 1660 que celles d’Helen et d’Aaron en 2000-2001 mais il est difficile de mettre sur le même plan des personnages qui n’ont pas et n’ont pas vocation – mais je me trompe peut-être – à avoir la même épaisseur. Le personnage d’Ester est passionnant, je dirais même envoûtant, et fort intéressantes sont les relations qui l’unissent aux autres personnages de son époque. Son histoire, son parcours, son combat, ne peuvent laisser de marbre et, à travers eux, sont abordés des thèmes riches et fascinants. Parmi les plus intéressants : le sort réservé aux communautés juives dans l’Europe du XVIIe siècle et la place de la femme. Un roman très moderne, en somme. Notons que l’avancée à tâtons entre les deux époques permet, et ce n’est pas négligeable, quelques respirations au sein d’un roman qui demeure complexe de bout en bout et qui n’aurait certainement pas eu la même force s’il avait été amputé de toute la phase de recherche mettant en scène les deux historiens.
Je remercie Léa du Picabo River Book Club et les Editions du Cherche-Midi pour cette découverte !
L’œuvre en quelques mots…
« Elle a cacheté la lettre avec un pincement au cœur. Personne à ce jour n’a été capable de répondre aux questions qui pleuvent parfois sur elle comme une averse de grêle. Elle a conçu l’espoir à présent que l’hérétique de Spinoza sera peut-être en mesure de le faire.
Elle a porté sa lettre à la messagerie ce matin, les paroles de pardon de son frère bourdonnant à ses oreilles. Tu es comme une pièce d’argent gravée dans la pierre… une maison faite de rayons de miel ou de plumes ou peut-être de verre. Si seulement l’esprit malicieux d’Isaac pouvait se glisser en elle, pour prendre la place de cette âme repliée sur elle-même, toujours prête à reculer, qui est la sienne. Ce n’est pas le meilleur des deux qui a survécu, car Isaac était d’une plus belle étoffe qu’elle-même. » (p.232)