Violaine Gillibert, L'écharpe blanche
« Rescapé de deux années d'hospitalisation, c'est jeune Parisien célibataire que tu décrétais le 20 septembre, jour de l'accident, date de ton anniversaire. Ce sont les plus belles fêtes qui aient été organisées. C'était gai ! Je me souviens d'un énorme gâteau avec un hélicoptère en plastique au sommet. J'avais entre cinq et dix ans, mais j'aimais ce jour plus que Noël encore. C'était celui de notre victoire. J'aimais voir tous ces gens, toutes ces belles robes, toutes ces flûtes de champagne. J'aimais que l'on me dise que ma robe était belle, mes longs cheveux noirs si brillants, que j'avais tellement grandi depuis la dernière fois. J'étais fière, pour toi. »
De son accident d'hélicoptère, une nuit de septembre 1979, Michel Gillibert sortait vivant mais tétraplégique. Dix jours seulement après le drame naissait sa fille Violaine. Qui n'a connu son père qu'immobilisé dans un fauteuil. Malgré le handicap, Michel Gillibert n'a jamais renoncé à vivre, bien au contraire. Dans ce texte intime et pudique, Violaine raconte comment elle a traversé toutes ces années, du père singulier à l'homme politique blessé, tout en rendant un hommage émouvant à cet homme au destin exceptionnel.
Tendre et bouleversant, le témoignage de Violaine Gillibert pourrait être celui de n’importe qui. Il m’a beaucoup touchée, mais il faut dire que je suis plutôt bon public quand il s’agit de lire ce genre de témoignage… Et pourtant…
Lorsque j’ai lu l’année dernière Où on va, Papa ?, j’ai été touchée de deux manières : à la fois par le sort de Tomas et Mathieu, les deux fils de Jean-Louis Fournier et par l’auteur lui-même, qui, du bout de sa plume, a su me faire passer du sourire aux larmes. En lisant ce genre de roman, on ne peut s’empêcher de se mettre « à la place de… ». Avec L’écharpe blanche, mon sentiment d’après-lecture est très différent. Bizarrement, le sort de Michel Gillibert m’a laissée, je dois bien le reconnaître, assez indifférente. Peut-être parce qu’il a été un homme politique et que les diverses allusions qui sont faites dans ce roman ne m’ont pas intéressée. Peut-être aussi parce que j’ai eu l’impression qu’il a continué à mener une vie sociale relativement riche après son accident. Bonheur de façade ? Sans doute a-t-il été plus seul qu’il n’y parait. Le personnage n’attire pas vraiment la sympathie, mais c’est sans doute un sentiment très personnel.
Quoiqu’il en soit, j’ai aimé lire ce témoignage et ce, grâce aux mots de Violaine Gillibert. C’est elle qui a su m’émouvoir. Elle porte son histoire à bout de bras et nous fait partager quelques instants de vie, elle qui n’aura jamais connu son père qu’handicapé : « Cette nuit de septembre 79, les fusils avalaient leurs premières munitions de la saison, je me préparais à naître dans une ville au nom féérique de Tassin-la-Demi-Lune et mon père mourait pour la première fois. C’est toi qui le disais, ta vie d’homme cassé était une seconde naissance. » Elle nous confie les soins quotidiens, les douleurs de tous les jours, la lente acceptation : « J’ai mis du temps à comprendre que tu étais handicapé. » Pour parler de son père, cet autre cloué sur un fauteuil roulant, elle utilise parfois la troisième personne : « Emmené dans la nuit de Paris, l’homme pressé commençait un long coma. » Une prise de distance sans doute nécessaire lorsqu’il s’agit de parler d’un drame personnel. Le faire autre pour mieux l’accepter.
Le témoignage de Violaine Gillibert est surtout le tendre message d’une fille pour son père. Un message écrit dans un style parfois très elliptique, comme un murmure : « Je t’ai montré de la froideur, mais tu étais mon repère, jusqu’au bout. Tu étais ma colonne, le fond, l’idée, la substance. Le rire, nous avons beaucoup ri. Nous avons partagé des moments forts, avec tes fils. Instants immensément pudiques et infiniment tendres. Tu étais mon secret, mon autre, mon refuge, ma douleur. » Un aveu peut-être, car on oublie trop souvent de dire aux personnes qui nous sont chères qu’on les aime.
Michel Gillibert est décédé il y a maintenant quelques années. Je ne sais pas quand l’auteure a commencé l’écriture de son roman mais je n’ai pas eu l’impression qu’il s’agissait d’une écriture de l’urgence. Au contraire, on ressent, à la lecture des dernières pages, une sorte d’apaisement, sans doute dû à l’acceptation de la mort : « Tu es parti, nous partirons aussi. » Une réflexion sur la vie, et les tours qu’elle peut nous jouer, c’est sans doute cela, le propos de L’écharpe blanche.
L’œuvre en quelques mots…
« “ Papa est parti’’, à la seconde où j’ai entendu cette phrase de la bouche de mon frère, la vie a basculé dans l’irréel, j’ai senti une masse invisible se détacher du creux de mon ventre et s’envoler, littéralement. Je me souviendrai toute ma vie de cette sensation, un morceau de moi est parti avec toi.
J’espère qu’il te tient chaud. »
« Mon père. Merci d’avoir préféré la vie cette nuit de septembre 79. C’est une chance de t’avoir rencontré. Je m’en remets doucement. »
Vous pouvez découvrir Violaine Gillibert en cliquant sur le lien suivant : http://fr.ulike.net/Violaine_Gillibert.
Merci à Ulike et en particulier à Abeline pour cet envoi !