Simone de Beauvoir, Une mort très douce

Publié le par calypso

 

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La journée du mardi se passa bien. La nuit, maman fit des cauchemars. « On me met dans une boîte », disait-elle à ma sœur. « Je suis là, mais je suis dans la boîte. Je suis moi, et ce n'est plus moi. Des hommes emportent la boîte ! » Elle se débattait : « Ne les laisse pas m'emporter ! » Longtemps Poupette a gardé la main posée sur son front : « Je te promets. Ils ne te mettront pas dans la boîte. » Elle a réclamé un supplément d'Équanil. Sauvée enfin de ses visions, maman l'a interrogée : « Mais qu'est-ce que ça veut dire, cette boîte, ces hommes ? - Ce sont des souvenirs de ton opération ; des infirmiers t'emportent sur un brancard. » Maman s'est endormie.

 

Le jeudi 24 octobre 1963, alors qu’elle se trouve à Rome, Simone de Beauvoir reçoit un appel : sa mère âgée de 77 ans est tombée dans sa salle de bains et s’est cassé le col du fémur. Cet accident malheureusement très fréquent et l’hospitalisation qui en découle permettent bientôt de déceler un mal plus profond, un cancer de l’intestin grêle, qui ne mettra que trois petits mois à emporter la mère de l’auteure.

Une mort très douce est un récit dans lequel Simone de Beauvoir a pris soin de raconter, avec une grande simplicité, les derniers instants passés avec une mère qu’elle a tantôt haïe, tantôt aimée dans sa vie. Elle y a recueilli quelques-unes de ses dernières paroles, collecté quelques-uns de ces derniers plaisirs et quelques-unes de ses dernières colères en veillant toujours à ne pas tomber dans le pathos. On perçoit bien sûr sans aucune difficulté la souffrance d’une fille qui sent sa mère s’éteindre peu à peu mais la relation conflictuelle qui a souvent été la leur fait que l’émotion est comme voilée : j’ai lu d’autres écrits sur le même sujet et j’avoue que j’ai parfois trouvé dans celui-ci une légère froideur, un peu plus de détachement peut-être, un peu moins de poésie, assurément. C’est une impression qui n’enlève rien à la valeur de ce texte dans lequel la féministe engagée laisse tomber le masque tout en s’interrogeant sur des causes qui lui tiennent à cœur. Une réflexion intéressante est notamment engagée sur le droit de mourir dans la dignité.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Pour moi, ma mère avait toujours existé et je n’avais jamais sérieusement pensé que je la verrais disparaître un jour, bientôt. Sa fin se situait, comme sa naissance, dans un temps mythique. Quand je me disais : elle a l’âge de mourir, c’étaient des mots vides, comme tant de mots. Pour la première fois, j’apercevais en elle un cadavre en sursis. » (p.27)

 

« Je m’étais attachée à cette moribonde. Tandis que nous parlions dans la pénombre, j’apaisais un vieux regret : je reprenais le dialogue brisé pendant mon adolescence et que nos divergences et notre ressemblance ne nous avaient jamais permis de renouer. Et l’ancienne tendresse que j’avais crue tout à fait éteinte ressuscitait, depuis qu’il lui était possible de se glisser dans des mots et des gestes simples. » (p.109)

 

« Il n’y a pas de mort naturelle : rien de ce qui arrive à l’homme n’est jamais naturel puisque sa présence met le monde en question. Tous les hommes sont mortels : mais pour chaque homme sa mort est un accident et, même s’il la connaît et y consent, une violence indue. » (p.152)

 

Un mot des titres

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A
J'aimerais le lire un jour mais il y a d'autres titres d'elle que j'ai noté en priorité.
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A
Un écrit précurseur de la part de cette femme engagée.
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D
je n'ai pas lu ce livre et je l'ai dans ma bibliothèque
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