Michael Morpurgo, Seul sur la mer immense
En 1947, le tout jeune Arthur est embarqué, comme des milliers d'autres orphelins, sur un bateau à destination de l'Australie. Il ne sait pas encore qu'il ne reverra pas sa sœur ni sa terre natale anglaise. Désormais, sa vie entière se fera là-bas, jalonnée d'épreuves mais aussi illuminée par la rencontre de personnages extraordinaires et par sa passion de la mer.
Bien des années plus tard, Allie, la fille d'Arthur, quitte la Tasmanie, au sud de l'Australie, à bord de son bateau. Elle s'apprête à accomplir une formidable traversée en solitaire. Son but: franchir les océans pour gagner l'Angleterre, dans l'espoir de retrouver sa tante Kitty, la sœur de son père.
Arthur Hobhouse est né et a vécu une partie de son enfance en Angleterre. Pourtant, il ne sait rien de cette naissance et n’a aucun souvenir de son enfance : pas de documents officiels, pas de photographies, pas d’histoires de famille à écouter et à transmettre. Un peu comme s’il n’était pas né, mais qu’il était arrivé un jour sur Terre, comme ça. Il est un objet qui, pourtant, ne l’a jamais quitté : une petite clé, confiée par sa sœur Kitty, le jour où il a quitté l’Angleterre à bord d’un paquebot, avec d’autres jeunes enfants. Et il y a ce souvenir qui l’a marqué à tout jamais : le Ranch Cooper et son terrible propriétaire. Les souvenirs qui restent, ceux qui collent à la peau, ne sont pas forcément les plus joyeux. Arthur en a fait la douloureuse expérience et, à soixante-cinq ans, il se souvient : l’enfermement et la liberté, la brutalité de Piggy Bacon et la douceur de Megs Molloy, son amour naissant puis dévorant pour la mer. L’amour de sa fille aussi, pour ce père orphelin dont elle a hérité le courage et la persévérance. Cette fille chérie qui réalisera peut-être le voyage qu’Arthur a toujours voulu réaliser, un voyage en sens inverse, pour retrouver la mystérieuse Kitty.
Seul sur la mer immense est un roman magnifique, d’abord parce qu’il est extrêmement bien écrit, ensuite parce que l’histoire racontée est émouvante au plus haut point. C’est un roman qui se compose de deux parties : la première est consacrée à Arthur Hobhouse, la seconde à sa fille Allie. Alors, bien sûr, l’histoire d’Arthur est tellement forte que la seconde partie paraît un peu plus terne, un peu plus monotone. Mais il faut envisager l’histoire comme un tout et un tout vraiment réussi. Tour à tour récit d’apprentissage et carnet de voyage, ce roman regorge de sensibilité, sans jamais tomber dans la mièvrerie. C’est un roman de l’espoir car il met en scène un personnage dont la vie est plutôt mal engagée, mais qui parvient à s’en sortir malgré tout. C’est également un hymne à la mer : la passion du personnage principal pour les étendues bleues et les bateaux envahit chaque page de ce roman. Enfin, Seul sur la mer évoque, comme le titre l’indique, la solitude. Je ne sais pas ce qu’a voulu nous dire l’auteur à ce sujet, mais voici ce que j’ai compris ou ce que j’ai eu envie de comprendre, peut-être : même entouré d’enfants de son âge, de son meilleur ami, ce presque frère qui ne l’a jamais quitté depuis l’Angleterre, de sa mère de substitution qui lui a apporté, en plus d’un toit où dormir, toute l’affection dont rêverait un enfant, même accompagné d’une femme aimante qui a su lui redonner le sourire et l’a rendu père, le personnage n’a jamais cessé d’être seul. Seul avec son passé, ses interrogations, ses souffrances, ses espoirs. Comme si, dans la vie, aussi nombreux soient les gens qui nous entourent, on était contraint à la solitude. Une solitude qui n’empêche pas le bonheur. C’est peut-être pour cela que j’ai aimé suivre l’histoire d’Arthur Hobhouse, pour accompagner cet être de papier sur le chemin de sa solitude.
L’œuvre en quelques mots…
« Je devrais commencer par le commencement. Je le sais. Mais l’ennui, c’est que je ne connais pas le commencement. J’aurais aimé le connaître. Je connais mon nom, Arthur Hobhouse. Arthur Hobhouse a eu un commencement, c’est certain. J’ai eu un père, une mère aussi, mais seul Dieu sait où ils étaient, et il n’en est peut-être pas sûr non plus. Dieu ne peut pas regarder partout en même temps, n’est-ce pas ? » (p.13)
« Je pense que la seule espèce d’immortalité à laquelle nous puissions prétendre, c’est de rester vivant aussi longtemps que notre histoire continue d’être racontée. Je vais donc m’asseoir ici, près de la fenêtre, aussi longtemps qu’il le faudra pour la raconter exactement telle que je me la rappelle. » (p.15)
« La mémoire est une grande et puissante magicienne. Elle vous joue des tours que vous ne pouvez tout simplement pas comprendre, malgré tous vos efforts pour en saisir le sens. » (p.141)