Jean-Luc Marcastel, Le Dernier Hiver
Un ciel de sang.
De la neige à perte de vue.
Et une forêt de pins. Des pins qui dévorent tout.
Demain. L’Hiver engloutira le monde.
Johan refuse de s’agenouiller devant le sort.
Par amour, il décide de retrouver celle qu’il aime.
Par amour, son frère, Théo, va lui ouvrir la voie.
Par amour, ses amis laissent tout derrière eux pour l’accompagner.
Pour cela, ils devront pénétrer jusqu’au cœur des ténèbres…
Au cœur de leurs propres ténèbres.
Nous sommes à Aurillac, le mardi 2 juillet 2035. Il est 14h30 et la température extérieure est de -31°C. Un jeune homme écrit ce qui semble être une lettre ou un journal intime. Il y évoque la fin du monde, celui d’avant les ténèbres, lorsque l’aube et le crépuscule se succédaient, que l’homme assistait encore à la ronde des saisons, que le soleil dardait ses rayons sur la planète Terre. Il se souvient. Il avait dix ans quand c’est arrivé. On avait annoncé que le soleil allait être masqué pour quelques heures. Avec deux copains, il est monté dans le donjon du château pour observer le phénomène. Puis il a fini par redescendre, lassé par cette première heure d’obscurité. On a cru que tout reviendrait à la normale. Mais le ciel rouge n’a jamais disparu et le soleil est resté caché. Il y a eu des émeutes. Les températures ont chuté. Et puis, les pins. Par centaines. Par milliers. Ils ont tout envahi. Et ils ont commencé à manger les gens…
Lorsque j’ai ouvert ce roman de Jean-Luc Marcastel, je ne connaissais rien de l’auteur, de son style, de son univers. C’est la quatrième de couverture qui m’a attirée, je la trouvais vraiment bien faite : sans trop en dire, elle m’offrait quelques pistes sur le roman et laissait une grande place au suspense. Je peux dire, après lecture, qu’elle est vraiment parfaite et je ne doute pas qu’elle saura attirer un grand nombre de lecteurs aussi curieux qu’avides d’émotions. Elle reflète bien l’esprit du livre et résume bien mieux que je ne pourrais le faire le message véhiculé par ce texte. Ce que j’ai vraiment apprécié, c’est la manière dont l’auteur nous amène peu à peu à comprendre le fonctionnement du « nouveau monde », à découvrir ses règles et ses codes. L’immersion dans le fantastique se fait petit à petit, si bien qu’au départ, rien ne laisse présager que le roman sera à ce point ancré dans le fantastique. Les étapes du chaos – le gouvernement qui ne dirige plus rien, les radios et la télévision qui ne fonctionnent plus – sont clairement expliquées et nécessaires : il y a dans ce roman une réflexion réelle sur l’homme, sur sa capacité à s’autogérer dans un monde où la loi semble dépendre du plus fort. Il y a aussi une réflexion écologique très importante puisque la nature reprend ses droits. Les forêts ont envahi une grande partie du territoire habitable. Les pins ont muté et dévorent tout sur leur passage pour survivre. Cette nature cruelle et vorace, qui n’a fait que s’adapter aux changements climatiques, n’est pourtant pas le seul « monstre » dans cette histoire. L’autre est à chercher au cœur-même de l’homme. Mais dans cet univers où les valeurs humaines semblent avoir disparu, quelques êtres luttent pour la survie de leurs proches. C’est le cas de Johan qui tente de rejoindre celle qu’il aime par tous les moyens, accompagné de son frère et de ses meilleurs amis. Les personnages sont attachants, prêts à se sacrifier à tout moment, mais leurs histoires d’amour m’ont parfois légèrement agacée. C’est pour moi le seul point négatif, mais il ne faut pas oublier que c’est un roman destiné aux adolescents… Ajoutons que la tension est palpable à chaque page et que l’écriture, on ne peut plus poétique – l’auteur semble friand des métaphores –, est parfaitement adaptée aux thèmes développés dans le roman. Derrière l’aventure fantastique se cache une véritable aventure humaine : au cœur de la nuit, malgré les souffrances et les blessures, malgré les pertes et les désillusions, l’espoir sommeille en chacun et une flamme veille afin que les jours à venir retrouvent leur clarté. Cette flamme s’appelle l’amour.
L’œuvre en quelques mots…
« Ils avaient forcé les portes de la Malesève. Ils réalisaient seulement maintenant ce que cela signifiait. Ils étaient seuls, seuls contre le monde, les bêtes et les hommes. Seuls, enfin, contre le plus terrible des adversaires…
En s’enfonçant dans les ténèbres des bois, de plus en plus profondément, ils savaient déjà tous, confusément, que c’était au bout d’eux-mêmes que les conduirait ce voyage, au bout de leurs peurs, de leurs blessures et de leurs contradictions. » (p.86)
« Elle murmura :
- Johan… souffrir, c’est vivre.
- Mais ça fait mal…
- La vie fait mal, Johan, depuis notre première gorgée d’air jusqu’à la dernière… Vivre, c’est souffrir et aimer, connaître le bonheur et la peine, tu ne peux ressentir l’un sans connaître l’autre, c’est ce qui donne du prix aux êtres et aux choses. » (p.388)