Florence Noiville, L'Attachement
Quand Anna découvre la longue lettre que sa mère Marie a écrite, cette dernière est morte. Et a disparu avec son secret. Cette lettre est adressée à son premier grand amour, un professeur beaucoup plus âgé qu’elle, tellement moins gracieux. Cette lettre, Marie l’a-t-elle envoyée ? Cet homme l’a-t-il reçue ? Anna enquête alors auprès de sa famille et d’anciens camarades, et cherche à comprendre ce qui a lié sa mère à ce professeur. Qui était l’homme aimé ? Est-il encore vivant ? Le retrouver aidera-t-il Anna à mieux connaître une mère disparue quand elle avait quatorze ans ?
À partir de cette parcelle d’amour fou observée à la loupe sous divers points de vue, mère et fille tentent de répondre à la même question : qu’est-ce qui se joue en nous lorsque nous nous attachons à quelqu’un dont nous n’aurions jamais dû nous approcher ?
L’attachement, ce fil ténu qui lie deux êtres, qui rend la relation possible, qui élève ou détruit. Blanche a dix-sept ans lorsqu’elle rencontre H., âgé de quarante-neuf ans, mais il n’est alors pour elle que son professeur de lettres et, comme tous ses enseignants, il lui paraît « vieux ». Lui, pourtant, semble déjà attiré par la jeune fille. Ensemble, ils rejouent Le Misanthrope et les vers de Molière résonnent dans toute la salle de classe, devant les élèves médusés qui deviennent spectateurs d’une déclaration :
Célimène
Il est vrai, votre ardeur est pour moi sans seconde.
Alceste
Oui, je puis là-dessus défier tout le monde.
Mon amour ne se peut concevoir, et jamais
Personne n’a, Madame, aimé comme je fais.
Mais Blanche est myope, et elle ne distingue pas plus les mots et les objets qu’elle ne voit l’amour s’immiscer dans sa vie d’adolescente. Pourtant, lors de son année de terminale, elle réalise qu’elle n’aspire à rien d’autre que d’être dans les bras de cet homme longtemps admiré. Contre l’avis de tous, elle entretiendra avec cet homme marié une relation des plus passionnées et n’aura de cesse de s’interroger sur cette force d’attraction nommée « l’attachement » : « Qu’est-ce qui se joue en nous lorsque nous nous éprenons d’un être dont nous n’aurions jamais dû nous approcher ? » (p.10)
L’Attachement fait partie de ces romans dont vous savez immédiatement, aux premiers mots, aux premières notes faudrait-il dire, tant ils paraissent former une mélodie, qu’ils seront un véritable coup de cœur stylistique. Florence Noiville a une plume absolument délicieuse et c’est la grande force de ce petit récit. L’histoire racontée reste, quant à elle, assez traditionnelle : une histoire d’amour qui semble dépasser la bienséance entre une jeune fille et son professeur, histoire racontée par cette même jeune fille devenue adulte mais aussi par la fille qu’elle aura avec un autre homme, Anna, qui, découvrant après la mort de sa mère l’existence de ce mystérieux H., mènera l’enquête pour en savoir plus sur son premier amour… De l’attachement au détachement, Florence Noiville dépeint le parcours amoureux d’une femme moderne, explore ses interrogations, ses doutes au fil d’anecdotes qui mériteraient parfois d’être un peu plus fouillées.
J’ai lu ce livre dans le cadre de l’opération « On vous lit tout », organisée par Libfly et le Furet du Nord.
L’œuvre en quelques mots…
« Combien suis-je ? Est-ce que tu ressens ça toi aussi ? Cet émiettement. Tous ces « je » dépareillés qui s’épient sans se comprendre. Celui qui parle et celui qui écrit, celui qui aime et celui qui raisonne, celui qui s’enflamme et celui qui doute. » (p. 9)
« Au total, nous serons restés « ensemble pendant » sept ans.
Sept ans. Ensemble. Attachés.
« Je n’aime pas de mot, attachement », m’a dit une amie récemment. Elle m’a rappelé « Le Loup et le Chien ». La remarque du loup atterré : « Attaché ? Vous ne courez donc pas où vous voulez ? » Pour elle, la relation amoureuse s’accommode mal des liens, cordes, laisses, colliers… Mon amie entend attacher au sens de fixer, ficeler, épingler, enchaîner… Moi, j’aime ce mot, attachement. La tendresse s’insinue. L’estime aussi. » (p.30-31)
« Grâce à toi je découvrais simultanément deux continents, la littérature et mon propre corps. » (p.44)
« Ta voix est une caresse. En classe, elle effleure ma nuque, m’enveloppe de son phrasé. Quand tu lis Les Fleurs du mal en me regardant, c’est comme s’il y avait des mains au bout de tes mots. Des mains-mots qui me frôlent. Des mains-sons qui papillonnent autour de moi, touchent mes épaules, se posent sur mon cou. Moments d’ivresse. Confusion délicieuse. Tout mon corps écoute. » (p.47)