Lidia Maksymowicz & Paolo Rodari, La petite fille qui ne savait pas haïr
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Catholiques d'origine biélorusse, Lidia Maksymowicz et sa famille sont déportées au camp d'Auschwitz-Birkenau en décembre 1943. La petite fille n'a alors que 3 ans et est séparée de sa mère dès son arrivée sur le quai quand le terrible Dr Mengele repère ses beaux yeux bleus dont il veut se servir pour ses expériences. La mère de Lidia, risquant à chaque fois sa vie pour lui rendre visite, est son seul lien avec l'humanité.
Enfant traumatisée, Lidia survit toutefois à ces treize mois d'enfer. Malheureusement, à la libération du camp, sa mère disparaît dans les épouvantables marches de la mort. La petite fille est confiée à une famille polonaise et commence une nouvelle vie à l'ombre du camp abandonné, qui devient parfois un terrain de jeux... En grandissant, elle ne pense qu'à revoir sa mère. Celle-ci la cherche aussi dans les ruines d'une Europe déchirée par le rideau de fer. Elles se retrouveront sur un quai de gare à Moscou, en 1963.
Aujourd'hui, Lidia a choisi de faire la paix avec son passé, car «haïr, c'est souffrir encore plus.»
Paru en janvier 2023 pour l’édition broché, ce témoignage est celui de Lidia Maksymowicz, une catholique biélorusse déportée au camp d’Auschwitz-Birkenau avec sa mère en décembre 1943. Elle est alors âgée de trois ans, tandis que sa mère en a vingt-deux. Lidia restera au camp jusqu’à sa libération par l’Armée rouge, fin janvier 1945. On peut évidemment s’interroger sur ce qu’une petite fille de son âge a pu retenir ou comprendre de ce qu’il se passait à l’époque et Lidia Maksymowicz est absolument transparente à ce sujet : il lui est difficile de reconstituer tout ce qui a pu lui arriver, d’une part parce qu’elle était particulièrement jeune, d’autre part parce que le temps a fait son travail – elle est en effet âgée de plus de quatre-vingts ans lorsqu’elle écrit La petite fille qui ne savait pas haïr. Elle évoque des « flashs » dont elle ne peut dire s’ils proviennent de ce qu’elle a réellement vécu avant, pendant et après sa déportation à Auschwitz-Birkenau, ou s’ils sont une reconstitution de ce qui a pu lui être raconté. Cela n’enlève rien, pour nous lecteurs, à la sincérité qui se dégage de ce témoignage, cela n’enlève rien non plus à la réalité historique des faits, mais il est vrai que la question de la mémoire mérite d’être posée. J’ai été un peu surprise, je dois le dire, de n’avoir sur la totalité du récit que peu d’informations sur ce qui est écrit sur la première de couverture de l’édition poche, à savoir : « Ma mère a été emmenée à Birkenau avec moi. C’est sur le quai que le docteur Mengele m’a choisie. » Habituée à lire des récits traitant de cette période historique, des camps et de la Shoah, j’avoue que c’est la mention du « docteur Mengele » qui m’a attirée vers ce titre et il en est finalement assez peu question. En revanche, le témoignage est intéressant parce qu’il ne se focalise pas que sur la vie de la petite fille au camp (pour quelqu’un qui connaît bien le sujet, c’est d’ailleurs assez pauvre en détails) mais il présente de manière très précise l’avant et l’après à Oświęcim : lors de la libération du camp, Lidia a été recueillie par une Polonaise, Bronislawa Rydzikowska, mariée et sans enfant, qu’elle a fini non sans mal par considérer comme sa « maman » avant de se mettre en quête de sa mère naturelle, Anna Boczarowa, dont elle ignorait si elle était morte ou non. Cette situation vécue par Lidia, je n’ai pas le souvenir de l’avoir rencontrée dans un autre témoignage et c’est ce qui fait l’intérêt de celui-ci à mon avis.
Je remercie Babelio et les Éditions J'ai lu pour cette lecture.
L’œuvre en quelques mots…
« Je ne pleure pas, je ne crie pas, je ne réclame rien. J’apprends à étouffer tous mes sentiments. Ils sont vivants à l’intérieur de moi mais ils n’ont pas le droit d’exister, ni de s’exprimer. Quand on endure un grand traumatisme, soit on se laisse submerger par la folie, soit on apprend l’apathie. J’ai choisi l’apathie. Le monde me passe à côté. Quoi qu’il arrive, je ne veux qu’une chose, rester en vie. Survivre dans l’attente de jours meilleurs. » (p.29-30)
« La plupart du temps, je ne comprends pas ce qui se passe. Mais j’ai, enracinée en moi, l’intuition que ma tâche est de vivre, non de mourir. » (p.30)
« La vérité, c’est que Luda est une enfant qui ne peut haïr pour la bonne raison qu’elle ne peut pas aimer. Elle ne peut rien ressentir. Je me suis anesthésiée pour survivre à un trop-plein de souffrance, à trop d’effroi, à ce mon absurde dans lequel on m’a précipitée d’un coup. » (p.30-31)
« Je sais : on dira que j’étais trop petite pour me souvenir de ces événements. Mais ça ne se passe pas ainsi. La vérité, c’est que j’ai rassemblé les rares souvenirs conservés par ma mémoire. Je les ai rangés, l’un après l’autre. Et je les ai reliés à ceux de personnes que j’avais connues au camp, et qui étaient en mesure de témoigner de faits vécus. Ensuite, pour refermer le cercle, j’ai consulté les archives en notant où et quand apparaissait mon numéro de matricule. » (p.73)
« C’est vrai, on ne peut remonter le temps. Il est des séparations, des plaies qui ne se refermeront pas. Les mois, les années ont été vécus, impossible de retourner au point de départ. Mais il arrive que la vie offre une chance de réparer ce qui a été. » (p.161)