Ivar Schute, À l'ombre d'un papillon de nuit
/image%2F1498811%2F20240323%2Fob_0f5b83_iva-schute-a-l-ombre-d-un-papillon-d.jpg)
170 000 Juifs ont été assassinés dans le centre d’extermination nazi de Sobibór, situé dans la Pologne actuelle. Après le soulèvement du 14 octobre 1943, le centre a été démantelé ; les preuves ont été effacées. La nature a repris ses droits et de Sobibór ne restaient qu’une forêt et les photographies prises par l’officier SS Johann Niemann, qui ne montrent pas de chambre à gaz, ni de train, ni de gens, ni de terreur.
En 2014, un groupe d’archéologues a retrouvé et mis au jour les fondations des chambres à gaz du centre d’extermination de Sobibór, démontrant ainsi que le sol demeurait un témoin silencieux.
Ivar Schute, qui a mené des fouilles archéologiques dans les camps de concentration et d’extermination d’Amersfoort, Vught, Westerbork, Bergen-Belsen, Treblinka puis Sobibór, faisait partie de l’équipe. Ce livre est le récit de ses fouilles mais aussi des nombreuses questions qu’elles ont soulevées.
« C’est arrivé et tout cela peut arriver de nouveau : c’est le noyau de ce que nous avons à dire » - Primo Levi. La citation qu’Ivar Schute a placé en exergue de son ouvrage À l'ombre d'un papillon de nuit donne le ton. Il s’agit d’écrire pour ne pas oublier. Il s’agit aussi et surtout, pour l’archéologue néerlandais, de fouiller pour ne pas voir disparaître les traces de la Shoah. Faire ressurgir une matière qui a tant à nous dire sur l’horreur vécue. De Westerbrok à Bergen-Belsen, en passant par Treblinka et Sobibór, Ivar Schute consacre sa vie à rendre visible l’invisible, ce qui a été détruit, brûlé, enfoui. Il y a quelque chose qui relève du devoir et de la nécessité, comme une urgence aussi. Les informations sont nombreuses, le fil n’est pas toujours évident à suivre, il faut lire l’ensemble comme un compte-rendu, une sorte de journal de bord où les détails – factuels et chiffrés – côtoient les grands questionnements, comme le respect de la Halacha ou encore le combat contre le négationnisme. C’est une œuvre dense et riche que j’ai lue en partie lors d’un voyage d’étude récent en Pologne, ce qui lui a donné une coloration particulière. Je la recommande, pour son approche originale de la Shoah.
L’œuvre en quelques mots…
« Sobibór est un site sans vestiges visibles en surface, qui laisse une grande place à l’imagination. Traditionnellement, la culture commémorative insistait fortement sur la « résistance », compte tenu de l’évasion organisée par les soldats soviétiques. Films, documentaires et livres ont exploité ce thème. De ce fait, la narration centrée sur les victimes majoritairement juives était reléguée à l’arrière-plan. L’archéologie a dans une certaine mesure rompu avec cette tendance. Les objets personnels jouent en cela un rôle important en tant que supports de signification qui déplacent l’attention de la perspective du grand nombre vers les récits biographiques que relaient les objets individuels, ainsi que vers la valeur symbolique qui émane de ces objets, qu’ils aient appartenu à une victime ou à un bourreau. » (p.167)