Xavier Donzelli, Et par le pouvoir d'un mot
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Comment un simple poème, inspiré par l’amour de deux femmes, a-t-il pu circuler dans toute la France, au creux des Années noires ? Comment ce seul poème, par le pouvoir d’un mot, a-t-il rendu l’espoir à tout un peuple, alors à genoux ?
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Ces derniers mots de « Liberté » ont toujours été pour moi parmi les plus beaux et les plus percutants de la poésie française. Il faut dire que j’aime infiniment Paul Éluard, en particulier pour ses poèmes d’amour, inspirées par les trois femmes de sa vie. Parmi elles, Nusch qui est, avec Éluard lui-même, une des protagonistes de cette page d’histoire qu’est Et par le pouvoir d’un mot. Avec ce roman foisonnant et extrêmement documenté, Xavier Donzelli retrace le parcours d’un des poèmes français les plus connus et les plus engagés, de sa création à sa diffusion. L’arrière-plan historique est dépeint par l’intermédiaire des hommes et des femmes qui nous sont présentés tour à tour. Au départ, le Paris occupé de 1942, et la composition, par Paul Éluard, d’un long poème qu’il écrit initialement pour la femme qu’il aime, Nusch, sa muse, son nom figurant d’ailleurs à la fin. Puis, le déplacement du sujet, lié au contexte historique, le poème amoureux devenant poème de circonstance, et les nombreuses réflexions liées au titre : le mot « Liberté » étant à lui seul un acte de résistance, c’est au départ « Une seule pensée » qui est envisagé. Et, au-delà du poème, d’Éluard et de Nusch, les autres héros de cette histoire, grands noms de la résistance française, passionnés, investis, indéfectibles soutiens ou partenaires plus réservés quant à la faisabilité de l’opération : Max-Pol Fouchet, Louis Parrot, Lee Miller, Roland Penrose, ou encore Vercors, le fondateur des Editions de Minuit. Le poème passe de main en main, il est publié dans le recueil clandestin Poésie et vérité 1942 – Xavier Donzelli ne manque pas de rappeler à quel point la présence de la date dans le titre est essentielle – et dans de nombreuses revues françaises et étrangères grâce à tous ceux qui ont choisi de ne pas se taire et de lutter par les mots, puis il est confié aux jeunes pilotes de la Royal Air Force, sous forme de tracts qui seront parachutés sur les maquis des résistants. Tout cela donne un roman d’une richesse incroyable sur un sujet qui reste, à ma connaissance, assez peu exploité en littérature. C’est un bel hommage rendu à Éluard, à son poème, mais également à tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont gravité autour d’eux et ont rendu possible cet acte de résistance. Bravo à Xavier Donzelli qui signe là son premier roman.
Je remercie chaleureusement Babelio et les Éditions Seghers pour cette lecture passionnante !
L’œuvre en quelques mots…
« Dans la nuit silencieuse, Paul, lui, ne trouve pas le sommeil. Il pense à Max-Pol et à sa femme disparue, à Jacques Decour et à ses compagnons, à Lucien et à ses camarades lycéens sous les verrous. Il se demande s’ils dorment en ce moment, et combien de jours, de nuits, de rêves, il leur reste à vivre. Ses pensées tournent dans le noir. Dans ces circonstances, se dit-il, la poésie ne peut rester lettre morte ; elle doit descendre de l’Olympe pour se répandre parmi les hommes, devenir une arme au service des consciences. La discussion avec Max-Pol l’a conforté dans la nécessité d’agir de concert, de répliquer, chaque fois que le bâillon supprime une voix discordante, par des strophes de combat. » (p.99)