Martine Pouchain, Johnny

Publié le par calypso

 

Johnny est le souffre-douleur du collège. Faut dire qu'avec un prénom pareil, quand on n'a rien à voir avec celui de la télé... Et il est amoureux d'Alice, qui se serait bien passée d'une telle chance. C'est pourtant elle qui raconte son histoire, en dénouant peu à peu les fils emmêlés comme une pelote rêche, la dévidant jusqu'à son cœur de diamant brut. Car finalement, c'est bien lui, Johnny, le plus fort...

 

Je tenais absolument à vous parler de ce très court texte que je connais depuis quelques années maintenant et que je ne croise jamais sur les réseaux sociaux. Il mérite à mon sens un peu plus de visibilité.

Johnny, c’est une lettre d’une cinquantaine de pages adressée par une collégienne, Alice, à l’adolescent éponyme. C’est, plus précisément, la réponse à une lettre que Johnny lui-même a écrite à la jeune fille pour lui confier un amour dont elle aurait sans doute préféré ne jamais avoir connaissance. Qui, en effet, voudrait être ami ou plus avec Johnny ? Il est laid, il ne sait pas s’habiller, il est seul, en clair : il n’est pas populaire. C’est ce qu’elle lui dit, Alice, en déposant sur le papier les mots terribles pensés par tous et en égrainant les souvenirs des mois précédents : les regards, les tensions, les moqueries, la violence quotidienne, répétée inlassablement, ce harcèlement subi par Johnny et face auquel personne n’a semblé réagir, pas même Alice qui a suivi, lâchement. Une lettre d’aveu en réponse à une lettre d’amour. Une lettre dans laquelle on sent la culpabilité grandissante, jusqu’à l’horreur que l’on devine. La brièveté du texte contribue à son intensité. Les phrases sont courtes, les scènes s'enchaînent, sans temps mort, sans répit ni pour Johnny ni pour le lecteur mal à l'aise. Le choix de la narratrice offre une perspective particulièrement intéressante. C’est à mon sens le roman idéal pour aborder la question du harcèlement avec les adolescents.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Et même si j’avais pris ta défense, ça n’aurait rien changé. J’aurais juste réussi à devenir une victime de seconde main quand tu aurais fait défection pour maladie ou autre. Mais je n’ai pas pris ta défense. J’avoue que ça ne m’a seulement pas effleuré de la prendre. J’avais déjà assez de mal avec moi, depuis toujours. » (p.14-15)

 

« Je me demande à quel moment de ta vie tu as appris à raser les murs pour qu'on ne te remarque pas. C'est facile de ne pas se faire remarquer quand on est juste moche. Beaucoup moins quand on a été élu à l'unanimité souffre-douleur de la classe. Tu avais beau te concentrer de toutes tes forces pour être le plus insignifiant possible, insignifiant, c'est une chose que tu ne pouvais pas. Une fois qu'on a été identifié comme victime, on devient nécessaire à la communauté, on ne peut plus être inaperçu.» (p.23-24)

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