Jean-Baptiste Andrea, Des diables et des saints
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Joseph est un vieil homme qui joue divinement du Beethoven sur les pianos publics. On le croise un jour dans une gare, un autre dans un aéroport. Il gâche son talent de concertiste au milieu des voyageurs indifférents. Il attend. Mais qui, et pourquoi ?
Alors qu’il a seize ans, l’adolescent est envoyé dans un pensionnat religieux des Pyrénées, Les Confins. Tout est dans le nom. Après Les Confins, il n’y a plus rien. Ici, on recueille les abandonnés, les demeurés. Les journées sont faites de routine, de corvées, de maltraitances. Jusqu’à la rencontre avec Rose.
J’ai beaucoup croisé ce roman sur les réseaux sociaux à sa sortie. C’était comme une évidence pour moi que je le lirais un jour et j’ai tout fait pour consulter le moins d’avis possible afin de préserver intacte la magie de la découverte. Comme j’ai bien fait !
Joe a plus de 70 ans et il a pour habitude de jouer du piano dans les lieux publics. C’est un invisible qu’on frôle et qu’on dépasse, on entend ses notes mais on l’écoute peu, la frénésie du quotidien l’emportant sur sa musique. Et pourtant, Joe est un virtuose. Pourquoi gâche-t-il son talent en passant tant de temps dans les gares et les aéroports ? Petit à petit, des éléments de sa vie nous sont livrés, en particulier le terrible drame qui, à 16 ans, l’a laissé orphelin. Admis dans un pensionnant religieux où d’autres enfants et adolescents privés de leurs parents séjournent, il va connaître l’amitié et l’amour, entre moments de grâce et punitions, espoirs et désillusions.
L’histoire est forte, c’est incontestable. J’ai été émue, j’ai souri, j’ai eu le cœur serré. Il y a dans ce roman un parfum d’enfance qui nous rappelle la littérature classique : un groupe d’enfants, un pensionnat, des bêtises et une grande solidarité, c’est somme toute assez commun. Mais il se dégage de ce roman une force incroyable et elle est clairement identifiable : la plume de Jean-Baptiste Andrea. Si son personnage est un virtuose du piano, il est quant à lui un virtuose des mots. Certaines phrases sont d’une beauté sans pareille. La partition qui se joue en termes de syntaxe, d’images, de rythme est grandiose. C’est à la fois délicat et puissant.
L’œuvre en quelques mots…
« Ma jeunesse se termina à 18h14, le 2 mai 1969, dans une polka de flammes et de vent de travers. « Angle d'incidence trop élevé combiné à une vitesse sous-évaluée ayant conduit, en présence d'un fort vent latéral, au décrochage de l'appareil. » J’appris les conclusions par cœur, il suffisait de les réciter d’un air grave pour faire cesser les questions. »
« J’ai vu mes parents se disperser. Ma sœur flamber, rendre aux étoiles les atomes qu’elle avait empruntés pour devenir elle, Inès, pendant que je restais entier. »
« Le rythme. C’est là que je l’entendis. Ça commença par le rire de Danny, qui avait fait machine arrière pour prendre Souzix sur son dos, un effort de légende urbaine, l’effort de ces mères qui soulèvent la voiture sous laquelle leur bébé est coincé. Ensuite, le cœur de Rose qui battait près du mien, un oisillon en armure Dior. Et puis le vent, et puis l’espace immense entre les notes, et puis la joie de Souzix, qui pour la première fois de sa vie ne voyait plus ni murs ni grillages. Une joie qui fusait à grands traits, dont certains s’égaraient et faisaient parfait exploser les avions, tout était lié, tout était là, à portée d’oreille. »