Delphine de Vigan, Les Enfants sont rois

Publié le par calypso

 

« La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s'étonna de l'autorité qui émanait d'une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l'obscurité. "On dirait une enfant" pensa la première, "elle ressemble à une poupée" songea la seconde.

Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire. »

 

À l’exception des Gratitudes, son avant-dernier roman qui ne devrait toutefois pas tarder à se retrouver entre mes mains, j’ai lu toute l’œuvre de Delphine de Vigan. Je l’apprécie beaucoup, peut-être même de plus en plus, sans pour autant être une fan inconditionnelle. Si je n’ai pas été transportée avec la même force par tous ses romans, je lui reconnais une grande qualité d’écriture et je trouve qu’elle est une voix intéressante et pertinente dans le paysage littéraire français. Avec Les Enfants sont rois, elle s’attaque à la téléréalité et aux réseaux sociaux, à la mise en scène exacerbée des êtres – adultes comme enfants – et aux dérives qui sont liées. Le roman peut déstabiliser par son style et sa construction. Il flirte avec le documentaire, le roman policier, le roman d’anticipation. Elles sont perturbantes, ces pistes qui se font et se défont, et je comprends les avis mitigés que je découvre après lecture. Je comprends aussi que l’on puisse regretter l’avis très tranché qui est offert au lecteur, le point de vue unilatéral qui ne souffre a priori d’aucune contradiction possible sur les dangers de ces exhibitions quotidiennes et parfois subies. Oui, je comprends. Cependant, le roman a le mérite de pointer du doigt ce qui ne va pas, on adhère ou pas, mais on réfléchit dans tous les cas. Je suis obligée d’admettre que je n’ai pas vraiment retrouvé la plume de Delphine de Vigan, mais je comprends totalement le parti pris de cette écriture plus sèche et plus distante. Pour moi, c’est un roman qui fonctionne, je l’ai lu sans peine et en quelques jours.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Chaque famille cultive sa fable. Ou tout au moins une version épique de son histoire, enrichie au fil du temps, à laquelle s’ajoutent peu à peu des prouesses, des coïncidences, des détails remarquables, voire quelques affabulations. »

 

« Autour d’elle, les familles se constituaient, les ventres s’arrondissaient. Avoir un enfant ne rentrait pas dans ses projets. D’une part, elle n’était pas certaine d’être elle-même tout à fait adulte, et d’autre part, l’époque lui semblait résolument hostile. Elle avait la sensation qu’une mutation silencieuse, profonde, sournoise, d’une violence sans précédent, était en train de se produire – une étape de trop, un seuil funeste franchi dans la grande marche du temps –, sans que personne ne puisse l’arrêter. Et au milieu de cette gigantesque toile, privée de rêves et d’utopies, il lui aurait paru fou de propulser un enfant. »

 

« À son âge, sans doute était-ce inhabituel, voire inquiétant, de penser aussi souvent à ses parents. C’était un vide, une absence, un regret, qu’elle n’était pas sûre de vouloir combler. Leur conversation s’était interrompue avant de se tarir. Et n’étant pas devenue mère elle-même, peut-être était-elle restée fille avant tout. »

 

« […] Big Brother n’avait pas eu besoin de s’imposer. Big Brother avait été accueilli les bras ouverts et le cœur affamé de likes, et chacun avait accepté d’être son propre bourreau. »

 

« Elle va bien. En tout cas c’est ce qu’elle répond. De fait, elle ne présente aucun signe majeur de dépression ni de mélancolie, bien qu’elle se soit découvert, il y a peu de temps, une fâcheuse attirance pour le vide. »

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