Adrien Gygax, Se réjouir de la fin

« Je suis prêt, m'efface délicatement derrière l'éclat d'une dernière joie : celle de voir ma vie se terminer. Je m'en réjouis comme j'ai dû me réjouir de voir ma vie commencer. Je m'en réjouis comme d'une évidence absolue, et parce que je suis enfin conscient et certain, là, maintenant, de la joie inouïe qu'est la vie. »
Tels sont les mots du résident d'une maison de retraite qui nous raconte son histoire et ses bonheurs d'homme au crépuscule de la vie. Hédoniste et mélancolique, il contemple les beautés et les douceurs qui l'entourent.
Se réjouir de la fin est un petit roman qui m’a attirée dans un premier temps pour son titre et dans un second temps pour le sujet traité : il s’agit du récit fictif du résident d’une maison de retraite, rédigé pendant quelques mois à partir du 22 avril 2019, date de son entrée dans le lieu qui sera sa dernière demeure. Il s’agit, d’après le paragraphe qui introduit le texte, d’une compilation de « bonheurs de vieux », de pauses réflexives d’un être qui se sait destiné à mourir et qui décide de consacrer le temps qu’il lui reste à « la contemplation de sa propre finitude ». De courts chapitres se succèdent et nous présentent ces bonheurs : « Lâcher prise », « Se détacher du matériel », « Avoir transmis » ou encore « Aimer encore ».
Je ne sais pas si j’ai pris du plaisir à lire ce court roman mais c’est une lecture apaisante, le texte est ponctuée de réflexions intéressantes et empreintes de sagesse qui permettent de se questionner, à tout âge, au sens à donner à notre passage sur terre, mais aussi à la manière dont on peut avancer sereinement malgré les tristesses et les blessures. C’est un texte qui est bien écrit mais qui, peut-être, reste un peu superficiel dans le sens où il ne fait qu’effleurer les souvenirs et ne permet pas un partage absolu des émotions. J’ai apprécié la petite parenthèse offerte par ce roman mais je ne sais pas vraiment ce que j’en garderai dans un futur plus ou moins proche…
L’œuvre en quelques mots…
« La vie est une chute vertigineuse alors on s’accroche, on chope, on empoigne. On s’efforce pour ne pas lâcher prise. »
« J’ai vécu les poings serrés, me suis agrippé à bien des choses, n’ai rien voulu lâcher. Je tenais à ceci et à cela, tout me semblait devoir dépendre de moi. Voilà un défaut tout à fait humain, nous nous croyons responsables de tout. Le temps m’a appris le contraire. On prévoit, on planifie et on construit sur un tas de sable que le vent de la vie souffle et déforme à son gré. »
« On transmet malgré soi, malgré tout. Et ce sont toujours les autres qui décident de la part de nous qui est transmise. Ils nous cambriolent en douceur, jour après jour. Ils nous prennent ceci puis cela, ça commence par un geste, une façon de parler ou une attitude et ça finit avec une vie entière. »
« Ainsi passe la vie, on saute d’une peine à l’autre en quête d’un peu de répit. Et on est heureux, quand même. »
« Je n’ai cessé de cueillir les joies partout où elles ont fleuri ; celles qui viennent avec la sensibilité du corps, celles qui ne sont atteignables que par l’agilité de l’esprit, celles qui se cachent derrière la douleur, celles qu’il faut saisir au vol, celles qu’il faut récolter dans la boue, celles qu’il faut arracher à quatre mains, celles qu’il faut sécher d’une pluie de larmes, et toutes les autres. »