Lise Tremblay, L'Habitude des bêtes

Publié le par calypso

 

C’est le jour sans doute où un vieil Indien lui a confié ce chiot, Dan. Lorsque Benoît Lévesque est rentré à Montréal ce jour-là, il a fermé pour de bon la porte de son grand appartement vide. Ce n’était pas un endroit pour Dan, alors Benoît est allé s’installer dans son chalet du Saguenay, au cœur du parc national.

Mais quand vient un nouvel automne, le fragile équilibre est rompu. Parce que Dan se fait vieux et qu’il est malade. Et parce qu’on a aperçu des loups sur le territoire des chasseurs. Leur présence menaçante réveille de vieilles querelles entre les clans, et la tension monte au village…

Au-delà des rivalités, c’est à la nature, aux cycles de la vie et de la mort, et à leur propre destinée que devront faire face les personnages tellement humains de ce roman au décor grandiose.

 

Un jour, Benoît a compris. Compris que toute sa vie passée dans le cocon luxueux de son quotidien n’était qu’un leurre, une illusion confortable. Une existence bien réglée, longtemps organisée de la manière suivante : au travail, la plupart du temps, à exercer son métier de dentiste ; au cœur du parc national, dès que possible, avec son groupe d’amis, « docteurs, ingénieurs, boss d’usines » comme lui, autant de miroirs complices de ses absences et de ses dépenses accumulées, en huîtres ou bouteilles hors de prix. Un comportement de célibataire égoïste pour un homme marié et père. « Odieux », c’est le jugement qu’il porte sur l’homme qu’il a été pendant de nombreuses années. Il a délaissé sa femme, qui a fini par le quitter, il a oublié sa fille, qui souffrait d’un véritable mal être. Mais un jour donc, Benoît a compris. Le temps qui passe, la maturité et Dan, ce chien qu’on lui a confié et dont il n’a pas pu se défaire, vont éveiller sa conscience. Dan en particulier, par sa force tranquille et sa fragilité, va lui faire comprendre que la vie est aussi fugace que précieuse.

J’aurais vraiment aimé avoir un avis plus tranché sur ce roman, mais je dois reconnaître qu’il m’a un peu déçue et ce n’est pas exactement ce à quoi je m’attendais. La réflexion sur la mort et tout ce qui il y a à régler avant de partir, avec les autres, avec soi-même, est intéressante et elle est, finalement le cœur du roman. Les relations avec le clan des chasseurs ne sont qu’esquissées. Ils sont là, en toile de fond, comme une présence menaçante pour la nature aussi bien que pour l’homme, il n’était effectivement peut-être pas nécessaire d’en dire plus. Il n’y a rien à dire sur le personnage de Benoît que je trouve intéressant, il a complètement gommé ce côté « odieux » qui est évoqué dans le premier chapitre et apparaît plutôt comme un homme bienveillant, presque un sage, apaisé par le temps et par cette liberté que lui offre la vie à Saguenay. Rien à dire non plus sur le rapport qu’il entretient avec Dan, sur la présence essentielle de ce « personnage » au sein du roman, il est un compagnon de route et au-delà, un appui, un passeur. En revanche, j’attendais qu’un autre élément – je n’ose écrire « personnage » mais l’idée est là pourtant –, soit plus présent : la nature. C’est un élément mis en avant sur la quatrième de couverture : « ce roman au décor grandiose ». Eh bien, non, vraiment, je n’ai pas trouvé que cette nature dans laquelle Benoît puise son bonheur était si présente. Il n’y a véritablement pas de pause qui nous permette d’en profiter. La nature est évoquée certes, mais à travers le discours des personnages. Elle est mentionnée par le narrateur, qui n’est autre que Benoît lui-même, mais à chaque fois que l’on pourrait s’attendre à un passage contemplatif, un changement de ton intervient, sorte de retour à la réalité privant le lecteur de l’évasion promise. Par exemple au premier chapitre : « J’avais besoin de marcher. J’ai pris le bord de chez Mina, ça me ferait longer le lac. La lumière était magnifique. Il ne me faut que quelques minutes près du lac pour que tout rentre dans l’ordre. Je ne pouvais plus grand-chose pour Carole, et lorsque j’aurais pu faire quelque chose, je ne l’ai pas fait. » La lectrice que je suis aurait bien aimé profiter davantage de ce lac… Dommage !

 

Je remercie Léa du Picabo River Book Club et les Editions Delcourt pour cette découverte !

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Je n'avais jamais eu de chien à moi. A la pourvoirie, les chiens, c'était l'affaire des guides. Je ne savais pas quoi faire, je ne pouvais pas le jeter sur la piste devant tout le monde. Le vol vers le sud avait été mouvementé. J'avais peur que le chiot vomisse ou pisse sur moi. Ce n'est pas arrivé. J'ai gardé Dan. » (p.11)

 

 

 

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