Sue Monk Kidd, Le secret des abeilles
En 1964, Lily a quatorze ans et vit en Caroline-du-Sud avec son père, un homme brutal, et Rosaleen, sa nourrice noire. Le décès de sa mère dans d'obscures conditions la hante. Lorsque Rosaleen se fait molester par des Blancs, Lily décide de fuir avec elle cette vie de douleurs et de mensonges. Elles trouvent refuge chez les sœurs Boatwright, trois apicultrices tendres et généreuses dont l'emblème est une Vierge noire. À leurs côtés, Lily va être initiée à la pratique quasi mystique de l'apiculture, à l'affection, à l'amour et à la tolérance.
A l’orée de Sylvan, une bourgade de 3100 âmes, et au bout d’un chemin de terre menant à une ferme, on peut lire une pancarte indiquant « Owen - Producteur de pêches ». C’est là que la jeune Lily vit avec son père, T-Ray, un homme qu’elle est incapable d’appeler « papa » tant son attitude est en tout point opposée à celle d’un père aimant. Sa mère, Déborah, est décédée alors que l’adolescente n’avait que quatre ans. Les souvenirs de ce terriblement événement restent flous, mais la douleur est vivace et Lily n’a jamais pu oublier l’odeur de cannelle qui accompagnait chacun des mouvements maternels. Après le décès de son épouse, T-Ray a engagé Rosaleen, une femme noire aux formes généreuses habitant seule, non loin de chez eux. Depuis ce jour, elle vient faire le ménage et la cuisine dans la maison de Lily et joue en quelque sorte les mères de substitution. En dix ans, Lily et Rosaleen ont eu le temps de s’apprivoiser, se connaître et s’aimer. La gouvernante n’a pas la langue dans sa poche, elle s’interpose souvent entre Lily et son père. Enhardie par un contexte politique propice aux Noirs – des droits civiques commencent en effet à leur être accordés -, elle n’hésite pas, un jour qu’elle se balade en ville avec Lily, à tenir tête à des Blancs. Lily et Rosaleen préfère fuir Sylvan pour éviter les problèmes. Leur petit périple les conduit à la ferme d’August Boatwright, une apicultrice qui vit avec ses deux soeurs. Mais dans la vie, rien n’arrive par hasard…
Le Secret des abeilles est un roman que j’ai eu bien du mal à lâcher. Je l'ai choisi dans le cadre du Challenge Un mot, des titres, parce que la quatrième de couverture semblait faire la promesse d’un beau roman, touchant comme je les aime. C’est le cas, indéniablement. Ce que la quatrième de couverture a omis de préciser en revanche, c’est à quel point ce roman est drôle et bien écrit. Le sujet est dur mais l’ensemble est léger et tourner les pages est un véritable plaisir. Je n’y vois qu’un défaut : un rapprochement entre deux personnages qui, à mon sens, n’était pas nécessaire. Pour le reste, c’est un sans faute ! Lily est délicieuse, sa naïveté fait sourire, et les nombreuses réflexions de l’adolescente, à la fois tendres et cocasses, sont autant de petits bonbons. Miss Machin-nez-dans-un-bouquin (c’est ainsi que son père, imperméable à la littérature, l’a surnommée) est un personnage au caractère bien trempé que je ne suis pas près d’oublier. Rosaleen vaut également le détour, de même que les trois sœurs Boatwright : August, cette femme si douce et patiente qui dirige son exploitation d’une main de maître, June, moins sympathique au départ et qui finit par fendre l’armure, May, une jeune femme simple d’esprit et infiniment touchante avec son « mur des lamentations » qui lui sert à se défaire de ses angoisses et de ses chagrins. C’est bien simple, chaque personnage féminin de ce roman est attachant.
Pour certains, ce roman est trop mielleux (admirez le jeu de mot), débordant de bons sentiments. Pour moi, il est une ode à l’amour, à la tolérance, à la vie, et j'en conseille bien évidemment la lecture.
L’œuvre en quelques mots…
« Elle avait fichu son mari dehors au bout de trois ans de mariage, parce qu’il buvait. « Tu greffes sa cervelle sur un oiseau, l’oiseau vole à reculons », aimait-elle à dire. Je me suis souvent demandé ce que ferait cet oiseau avec sa cervelle à elle. J’ai fini par décider que, la moitié du temps, il vous chierait sur la tête et, l’autre moitié, il s’installerait ailes déployées sur les nids abandonnés. » (p.19)
« Le sac renfermait une paire de gants en coton blanc tachés par le temps. Quand je les ai sortis, je me suis dit : « Ses mains se sont glissées dedans. » Je trouve ça un peu idiot aujourd’hui, mais un jour, j’ai rempli les gants de coton et je les ai tenus toute la nuit. » (p.21)
« La première semaine chez August, fut une consolation, un pur soulagement. Le monde vous fait ce genre de cadeau parfois, vous offre un bref répit : le gong retentit et vous partez vous asseoir dans votre coin, où quelqu’un tamponne de bonheur votre vie amochée. » (p.106)