Paul Eluard, Derniers poèmes d'amour
Ce volume rassemble les poèmes de Paul Eluard dédiés à l'amour, écrits durant les dix dernières années de sa vie : Une longue réflexion amoureuse, Le Dur Désir de durer, Le Temps déborde, Corps mémorable et Le Phénix.
« C'est un livre incandescent, note Jean-Pierre Siméon dans sa préface, brûlant d'aimer, brûlé de désir... »
Dans une postface, Daniel Bergez analyse de son côté la résonance de l'œuvre cinquante ans après la mort du poète.
Pour la vingtième session du challenge Un mot, des titres, j’ai choisi de ne pas lire un roman mais un recueil réunissant les « derniers poèmes d’amour » de Paul Eluard, initialement publiés séparément. Sa poésie me touche infiniment et son parcours amoureux a donné naissance, selon moi, à quelques-uns des plus beaux poèmes de la langue française. Des poèmes sur la mort et la vie, sur l’éveil au bonheur et l’infini désespoir, sur la beauté du monde et celle de la femme aimée. Des poèmes qui chantent l’amour dans ce qu’il a de plus douloureux et de plus sublime.
Pas de grand discours, je préfère vous laisser en compagnie d’Eluard et de ces quelques mots picorés au fil de ma lecture…
L’œuvre en quelques mots…
Mène-moi vers la vie
Au-delà de la grille basse
Qui me sépare de moi-même
Qui divise tout sauf mes cendres
Sauf la terreur que j’ai de moi.
* * *
Et sur mon corps ton corps étend
La nappe de son miroir clair.
* * *
A quoi penses-tu
Je pense au premier baiser que je te donnerai.
* * *
Le 21 du mois de juin 1906
A midi
Tu m’as donné la vie.
* * *
Comme s’il n’y avait que nous deux sur la terre
Et le sourire de nos gestes simples.
* * *
Je citerai pour commencer les éléments
Ta voix tes yeux tes mains tes lèvres
Je suis sur terre y serais-je
Si tu n'y étais aussi
* * *
Même quand nous dormons nous veillons l’un sur l’autre
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Et l’espace cruel est un mur qui m’enserre
* * *
J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres.
* * *
Ton ombre qui s’étend sur moi
Je voudrais en faire un jardin
* * *
Notre vie
Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin
Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens
Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.
* * *
Mes mains mes pieds étaient les siens
Et mes désirs et mon poème étaient les siens
* * *
Mon éphémère écoute je suis là je t’accompagne
* * *
Tu n’avais rien à faire avec la mort
* * *
Je ne dors pas je suis tombé j'ai trébuché sur ton absence
* * *
C’est à partir de toi que j’ai dit oui au monde
* * *
Le sang dessinait un cœur
Le cœur dessinait ton corps
Ton corps épousait mon cœur.
* * *
Il suffit d’avancer pour vivre
D’aller droit devant soi
Vers tout ce que l’on aime
Devant soi la route est légère
Et s’ouvre sur tous les rivages
Derrière il n’y a que des chaines
* * *
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.
* * *
Et un sourire
La nuit n’est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler faim à satisfaire
Un cœur généreux
Une main tendue une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie la vie à se partager.