Nathalie Kuperman, L'heure bleue
J’ai un reste du parfum de maman, L’Heure bleue, qui sent encore elle. J’ai mon carnet Mamamaman dans lequel je lui écris. J’ai sa bague en onyx qui fait comme une boule de cristal noir. J’ai Tania, ma petite sœur, à protéger. La bague est à nous deux. Je lui demande de me dire quoi faire, de me dire l’avenir. Et elle m’annonce une catastrophe.
Il y a trois ans que maman est morte. Elle avait promis de veiller sur nous jusqu’à ses 102 ans et je l’avais crue. Elle avait prétendu, sur son lit d’hôpital, que la chose qui lui ferait le plus plaisir, c’était que papa refasse sa vie, et je ne l’ai pas crue. Comment peut-on avoir envie d’être remplacée quand on est irremplaçable ?
Aujourd’hui, trois ans après, maman vieille maman est devenue du silence. La musique qu’elle aimait ne résonne plus dans la cage d’escalier. Nous ne parlons plus d’elle. De jour en jour, elle disparaît davantage.
Anne-Sophie, la nouvelle femme de papa, fait trop de bruit.
Mary a 14 ans. Elle a un papa qui l’aime et une petite sœur, Tania, avec qui elle adore se chamailler mais aussi discuter et qu’elle semble par-dessus tout vouloir protéger. L’univers de Mary pourrait être tout rose s’il ne lui manquait pas une chose essentielle : sa maman. Elle l’a perdue alors qu’elle était âgée de 11 ans. Sur le coup, Mary n’a pas compris que son monde était en train de s’écrouler : « On ne comprend rien quand sa mère meurt. Et quand on ne comprend pas, on n’est pas triste. C’est bien de ne pas comprendre. » (p.20) Plus tard, elle a appris à se créer une petite bulle pour combler le manque. La solitude ne lui fait pas peur car elle n’est jamais tout à fait seule : lorsqu’elle s’isole dans sa chambre, c’est pour parler à sa chère maman disparue trop tôt, et les mots, qui viennent dans le désordre, disent toute sa peine de la savoir au ciel. Mary possède d’ailleurs un petit carnet dans lequel elle retranscrit les paroles qu’elle adresse à sa maman et elle n’envisage pas une seule seconde d’y mettre un point final. Pourtant, le cahier de sa vie continue aussi de s’écrire et, parfois, rien n’est simple. Il y a Marin, un garçon de sa classe qui lui a proposé de l’aide pour les maths, mais surtout Anne-Sophie. Au départ, Anne-Sophie n’était pas une personne mais un simple appel et un foulard posé négligemment sur le bras d’un fauteuil. Puis, Anne-Sophie s’est matérialisée : pour Mary, c’est évident, cette nouvelle venue veut prendre la place de sa maman. Son parfum agresse l’adolescente qui aimait tant le parfum maternel, « L’Heure bleue ». Mary porte alors tous ses espoirs sur la bague en onyx que son père lui a donnée et qui a appartenu à sa mère. Elle en fait un talisman et prie, de tout son cœur, pour que sa maman ne soit jamais remplacée…
L’Heure bleue est un très joli roman destiné aux jeunes adolescents. Il traite, vous l’avez compris, d’un sujet délicat et douloureux : la perte d’une maman. Nathalie Kuperman a su trouver les mots justes pour aborder ce thème. Ces personnages sont tout à fait crédibles : leur tristesse et leurs interrogations sont très réalistes, tout comme l’est la petite révolte de Mary à l’encontre d’Anne-Sophie.
Je découvre avec L’Heure bleue la plume de Nathalie Kuperman dont j’ai, il me semble, un autre roman dans ma PAL.
L’œuvre en quelques mots…
« J’ai un petit carnet où je transpose les phrases que j’ai marmonnées. C’est un carnet que j’ai intitulé Mamamaman et, si je m’étais laissée aller, j’aurais couvert des pages et des pages de Mamamamamamama avant de mettre le « n » final, le moment où le mot se termine, et où il n’y a plus de mère que le nom. Mais je me suis raisonnée pour ne pas faire de « ma », ce possessif infini, l’illusion que ma mère était encore en vie. » (p.6)
« Maman, te rejoindre dans le ciel, oui, ça je veux bien, même si je sais que le ciel, tu l’aimais pour sa beauté, mais, me disais-tu, les morts sont bel et bien sous la terre. Tu imagines un ciel plein de cadavres ? disais-tu.
Et pourtant, ma belle petite maman, tu es dans le ciel, quelque part si loin que je ne peux pas te voir. Et ma maman chérie, tu n’est pas un cadavre. Tu es une ombre qui sourit et qui me voit penser à toi. » (p.75)