Margaux Fragoso, Tigre, tigre !

Publié le par calypso

 

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J’ai reçu ce livre dans le cadre de l’opération « On vous lit tout », organisée par Libfly et le Furet du Nord. Un livre reçu non pas par hasard, mais au hasard donc, un livre sur lequel je ne disposais d’aucune information et, s’agissant d’épreuves non corrigées, la quatrième de couverture ne me délivrait aucun indice. Si j’avais su, l’aurais-je lu ? Oui, sans doute, car je suis friande d’écrits autobiographiques, mais mon dieu, quel roman !

Elle a sept ans. Sa mère est malade, depuis toujours. Elle souffre de dépression et de paranoïa. Son père la malmène souvent et ne semble rien faire pour l’aider à aller mieux. Rigoriste, il rêve d’une famille idéale qu’il délaisse pourtant, au profit d’escapades quotidiennes au bar du coin. Elle a sept ans. On la surnomme « Bissou », ses cheveux sont raides et châtain foncé, elle adore jouer aux Histoires. Quand elle était petite, elle a été piquée par une guêpe et son nez a doublé de volume, elle avait aussi une fâcheuse tendance à frapper les femmes, au hasard, dans la rue – souvenir d’une scène de violence conjugale à laquelle elle avait assisté, plus jeune. Elle a sept ans. Dans cette piscine municipale javellisée plus que de raison, elle aperçoit deux garçons et leur père qui s’amusent. Eclats de rire, bataille d’eau, image d’un bonheur simple et accessible. Elle s’approche et demande à l’adulte, dans toute sa naïveté d’enfant : « Je peux jouer avec toi ? » Il accepte. Le jeu durera quinze ans.

Tigre, tigre ! est un roman dont la lecture est extrêmement difficile. J’ai tourné les pages, une à une, envoûtée par les mots, effrayée par les faits. Je l’ai souvent fermé, puis repris, motivée non par l’envie, mais plutôt par une sorte de nécessité, celle de partager avec l’auteure l’histoire de sa vie. Accepter de lire son histoire est en effet bien peu de chose quand on pense à ce qu’elle a vécu... Ce roman raconte tout simplement l’horreur : du point de vue d’une petite fille, c’est une histoire d’amitié et d’amour avec un homme qui deviendra son compagnon de jeu, son confident, son second père ; du point de vue d’un adulte, il n’est question que d’un pédophile qui prend dans sa toile, manipule et détruit une fillette innocente. L’auteure raconte tous les détails de cette relation qui a duré quinze ans, de la rencontre à la piscine jusqu’au suicide de l’homme qui l’a fait devenir « une poupée sans âme ». La démarche est insidieuse : Peter – c’est ainsi qu’il s’appelle - montre à Margaux qu’il aime lui aussi raconter des histoires. « Le Tigre Danger » naît, scelle leur amitié et rend encore plus forte la dépendance de Margaux vis-à-vis de cet homme qui semble lui offrir tout ce que son père ne lui a jamais offert. Il invente aussi beaucoup de jeux, comme une variante de « la petite bête », et un rapide baiser vient bientôt récompenser l’avancement d’un puzzle. Peter la valorise sans cesse et se plaît à dire qu’elle ferait une parfaite épouse. Et la fillette commence à s’imaginer mère... La manipulation est effroyable, tout comme l’aveuglement des parents. Les questions se bousculent : comment est-il possible de ne rien voir ? Comment est-il possible de ne rien dire ? Comment peut-on faire cela, impunément, aux yeux de tous et pendant tant d’années ? Comment vivre, enfin, se reconstruire après avoir vécu le pire ? Tigre, tigre ! est un roman qu’il ne faut surtout pas rejeter sous prétexte qu’il raconte des faits qu’on peine à imaginer et qui nous répugnent. Il mérite incontestablement d’être lu.

 

 

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L’œuvre en quelques mots…

 

« Tu as laissé dans ma boîte à lettres une enveloppe contenant dix lettres de suicide et plusieurs testaments sur des pages à carreaux tirées d’un carnet : tu me donnais ta voiture. Tu as dessiné un plan pour moi, pour que je puisse trouver ta Mazda noire et que je n’ai pas à payer les frais de fourrière. Tu m’as laissé un double de la clef dans une enveloppe. La clef d’origine, tu l’as laissée sur le contact de la Mazda. J’avais vingt-deux ans, tu en avais soixante-six. » (p. 18)

 

« Ses yeux étaient pleins de larmes, et quand j’essayai de le toucher, il repoussa ma main. « Quand je me lève le matin, quand je me couche le soir, c’est toi ! Ma première pensée quand je me lève c’est de boire un café, de fumer une cigarette, et d’écrire une lettre à Margaux ! Regarde tout ça ! » Il montrait une caisse qui contenait tous les classeurs de ses brouillons de lettres. « Ma chambre, c’est un mausolée ! »

C’était vrai. Tout ce qui était moi était conservé dans cette pièce. Sans Peter pour me voir, pour m’adorer, comment pourrais-je exister ? » (p.286)

 

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P
Un titre à retenir donc...<br /> Bonne journée.
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A
Bonne pioche pour ce roman, alors. Même s'il ne fut pas facile à lire.
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E
Un sujet difficile certes, mais ce livre me tente bien.
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L
Trop dur pour moi ...
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L
le hasard fait découvrir des pépites.<br /> je note !
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L
j'ai beaucoup de mal avec ce thème... je passe
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