Louise Erdrich, La chorale des maîtres bouchers
1918. De retour du front, Fidelis Waldvogel, un jeune soldat allemand, tente sa chance en Amérique. Avec pour seul bagage une valise pleine de couteaux et de saucisses, il s'arrête à Argus, dans le Dakota du Nord où, bientôt rejoint par sa femme et son fils, il décide d'ouvrir une boucherie et de fonder une chorale, en souvenir de celle des maîtres bouchers où chantait son père.
Des années 1920 aux années 1950, entre l'Europe et l'Amérique, ce roman à la fois épique et intime retrace le destin d'une famille confrontée au tumulte du monde.
J'ai bien peur de ne pas être originale... Il est impossible que vous ayez pu passer à coté de cette couverture, ces derniers temps, sur les blogs. De nombreux billets ont en effet récemment vu le jour au sujet de La chorale des maîtres bouchers, certains particulièrement élogieux, d'autres plus réservés.
Quand Suzanne de Chez les filles m'a proposé de recevoir ce roman, j'avoue clairement que ce n'est pas la première de couverture qui m'a attirée... je ne peux pas dire non plus que la quatrième de couverture ait su me convaincre, j'appréhendais de ne pas aimer cette histoire de bouchers. Et quand un roman fait plus de 550 pages, j'imagine que, vous aussi, vous y réfléchissez à deux fois. Alors quoi ? Dans le doute, j'ai pianoté sur mon clavier et je suis partie à la recherche d'avis de lecteurs ou blogolecteurs. Et ce sont les avis que j'ai lus qui m'ont définitivement convaincue.
Bien sûr, j'aurais pu ne pas partager les quelques avis positifs, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. J'ai véritablement aimé cette histoire, celle de cet homme rentré à pied de la guerre, et qui va, peu à peu, retrouver les plaisirs simples de la vie, la vraie, pas celle, boueuse et sombre, des tranchées : les odeurs de nourriture familières, le plaisir simple d'un édredon blanc entretenu par sa mère, le bruit des gens dans la rue... Un homme dont nous faisons connaissance au milieu des petits soldats et des recueils de poésie et qui doit accomplir une promesse faite à son meilleur ami décédé. Le mariage de Fidelis et Eva, enceinte, ne tardera pas et, peu de temps après, Fidelis partira tenter sa chance de l'autre côté de l'Atlantique. A partir de là, quatre destins vont se croiser, ceux de Fidelis et d'Eva, bien sûr, et ceux de Delphine Watzka et Cyprian Lazarre, deux personnages au rapport plutôt ambigü. Je ne voudrais pas en dire plus, pour ne pas gâcher la lecture de celles d'entre vous qui n'auraient pas encore terminé le roman, mais juste préciser ce que j'ai aimé avant tout dans ce livre : les personnages. Louise Erdrich (auteure que je ne connaissais pas) nous présente des personnages comme on en trouve peu, très fouillés. Tous valent le détour : de Fidelis à Delphine, en passant par Roy Watzka, le père de la jeune femme. Les enfants ne sont pas, quant à eux, des figurants. J'ai tout particulièrement aimé les passages concernant Franz, l'aîné, orphelin de père (sans le savoir), sa relation avec une jeune camarade de classe, ses rêves d'envol (de très beaux passages). J'ai tout autant aimé le petit Markus, si fragile et si attachant.
J'ai lu que la fin du roman a pu gêner certaines lectrices. Il est sûr qu'elle surprend, on peut même s'interroger sur son utilité. Personnellement, elle ne m'a pas gênée.
Un très beau roman que je vous conseille sans hésiter !
Un grand merci à Suzanne de Chez les filles et au Livre de Poche pour cette découverte !
Les avis de : Theoma, aifelle, keisha, Pascale.
L'oeuvre en quelques mots...
« Quelque part dans le labyrinthe de cette bourgade voisine vivait la femme qu’il n’avait encore jamais rencontrée, mais qu’il avait promis d’aller voir. Il se surprit à penser à elle avec une ardeur complexe. Ses pensées formaient des questions. Que faisait-elle à l’instant ? Avait-elle un jardin ? […] Chantait-elle à mi-voix ? Et sa présence à lui, ce qu’il avait promis de lui dire. Comment pouvait-il s’en acquitter, et aussi, comment pouvait-il ne pas s’en acquitter ? »
« Par l’un de ces après-midi, alors qu’il était assis en sa compagnie, elle demanda :
"A quoi crois-tu que ça ressemble, tu sais, au-dessus des nuages ?
- Oh, facile. On dirait qu’on peut poser les pieds dessus et qu’on rebondit."
Elle le regarda d’un air dubitatif, mais avec une sorte de fierté à la pensée qu’il soit capable d’inventer une chose pareille. C’est alors que vint au garçon l’idée subite qu’il devait monter dans les airs avec sa mère.
"Nous allons voler, lui annonça-t-il." »
« Nos chants parcourent la terre. Nous chantons les uns pour les autres. Jamais une seule note n’est perdue et aucun chant n’est inédit. Ils viennent tous du même endroit et datent d’un temps où seules les pierres hurlaient. »