Karen Maitland, La compagnie des menteurs
1348. La peste s'abat sur l'Angleterre. Rites païens, sacrifices rituels et religieux : tous les moyens sont bons pour tenter de conjurer le sort. Dans le pays, en proie à la panique et à l'anarchie, un petit groupe de neuf parias réunis par le plus grand des hasards essaie de gagner le Nord, afin d'échapper à la contagion. Parmi eux, un vendeur de saintes reliques, un magicien, une jeune voyante, un conteur, une domestique, deux musiciens italiens, un peintre et sa femme enceinte. Neuf laissés-pour-compte qui fuient la peste mais aussi un passé trouble. Bientôt, l'un d'eux est retrouvé pendu, puis un autre démembré, un troisième poignardé... Seraient-ils la proie d'un tueur plus impitoyable encore que l'épidémie ? Et si celui-ci se trouvait parmi eux ? Toutes les apparences ne vont pas tarder à s'avérer trompeuses et, avec la mort qui rôde de toutes parts, les survivants devront faire preuve d'une incroyable sagacité, au milieu des secrets et des mensonges, pour trouver le mobile des meurtres et résoudre l'énigme avant qu'il ne soit trop tard.
Blog-o-book a proposé il y a quelques semaines un partenariat avec les Editions Sonatine dont je n’avais jamais lu aucun ouvrage. Dois-je préciser qu’en voyant la première de couverture et en lisant le résumé j’ai eu très envie de lire ce roman ? Une recherche rapide m’a confortée dans mon idée car j’ai pu constater que les lecteurs et critiques littéraires ne tarissaient pas d’éloges au sujet de La compagnie des menteurs. J’ai donc demandé à pouvoir recevoir ce titre, et bien m’en a pris ! Je remercie très fortement BOB ainsi que les Editions Sonatine pour cette très bonne lecture !
La compagnie des menteurs, c’est avant tout une atmosphère. Certains pourraient ne pas y trouver leur compte : d’une part, parce que l’histoire se déroule à partir de 1348, à la fin du Moyen-âge donc, d’autre part, parce qu’il y a finalement peu d’action (si l’on considère la longueur du livre… ou peut-être est-elle longue à se mettre en place). Tout cela ne m’a pas gênée, bien au contraire ! Ce qui fait vraiment la force de ce roman, c’est l’ambiance qu’a su créer Karen Maitland : une ambiance froide, noire, une ambiance de suspicion et de méfiance à une époque où chacun tente de lutter pour sa vie et de fuir les villages touchés par la peste. Les descriptions sont très réalistes et l’auteur semble particulièrement bien documentée sur cette période. L’immersion dans le Moyen-Age est totale et le lecteur ne peut que se laisser prendre au jeu. Ce jeu, quel est-il ? A l’image des Dix petits nègres d’Agatha Christie, neuf personnages vont voir leur destin se croiser sur les routes d’Angleterre et rencontrer la mort. Le premier d’entre eux, Camelot, est un marchand d’espoir, il vend « de la foi en bouteille » comme il se plait à le dire, c'est le narrateur. A Melcombe, ville située sur la côte anglaise, il croise pour la première fois le regard de Narigorm, une fillette étrange qui rejoindra la compagnie un peu plus tard. Viennent ensuite Jofre et Rodrigo, des ménestrels venus de Venise, Zophiel, un magicien, Osmond, un jeune peintre, et sa femme Adela, Plaisance, une servante, Cygnus, le « garçon-cygne », un conteur qui possède une aile à la place d’un des bras (sans aucun doute le personnage le plus intéressant et le plus passionnant avec Camelot). Les neuf personnages unissent leurs forces pour atteindre le sanctuaire de St John Shorne à North Marston qui ne constituera pas la fin de leur voyage… Fidèle à la tradition orale propre au Moyen-Age, La compagnie des menteurs est rythmé par toute une série de récits faits par les personnages eux-mêmes et qui permettent d’en apprendre plus sur eux. Car ce sont vraiment ces personnages qui font la réussite de ce roman : des personnages peu communs, très fouillés, assurément mystérieux. Leur point commun : le mensonge. Des mensonges qu’ils auront bien du mal à dissimuler…
Un roman que je conseille à tous !
D'autres avis chez : Pimprenelle, Canel, Biblio, Mazel !
L’œuvre en quelques mots…
« L’espoir est peut-être une illusion, mais c’est ce qui vous retient de sauter dans une rivière ou de boire la ciguë. L’espoir est un mensonge magnifique et il faut du talent pour le donner aux autres. Et à l’époque, en ce jour où soi-disant tout commença, je croyais sincèrement que la création de l’espoir était le plus grand de tous les arts, le plus noble de tous les mensonges. Je me trompais. »
« Et c’est ainsi que les premiers membres de notre petite compagnie furent réunis, les premiers, mais assurément pas les derniers. Par cette matinée humide, je pensais leur rendre service en leur évitant d’apprendre à la dure la survie sur la route. Je pensais leur épargner des jours de famine et des nuits froides et solitaires ; j’avais moi-même connu ses épreuves à mes débuts, et je savais combien une telle vie est misérable. Mais je sais aujourd’hui que je leur aurais plus rendu service en les ignorant plutôt qu’en les entrainant dans ce qui allait arriver. »