Jenny Wingfield, Les ailes de l'ange
Bercé par la musique country et le gospel, un premier roman lumineux qui nous plonge dans l’atmosphère languide du Deep South des années 1950. Une œuvre aussi drôle que bouleversante sur la perte de l’innocence, la solidarité familiale et la force de l’amitié.
Dans les plaines de l’Arkansas, dans une petite maison qui fait aussi épicerie et bar vivent les Moses, une famille joyeusement bruyante où l’on surmonte grandes déceptions et petites tragédies par un cœur bon et une âme généreuse. C’est là que grandit Swan, garçon manqué de onze ans qui déteste les jupes et adore jouer à la guerre avec ses frères.
Une rencontre va bouleverser la vie de Swan et celle des siens: Blade a dix ans. Il a peur. Son père est un homme sadique, un monstre de violence et de cruauté. Un jour, c’est le coup de trop, un geste atroce, d’une horreur indicible. Pour les Moses, il y a urgence, il faut protéger l’enfant.
Mais, face à l’effroyable désir de vengeance d’un être animé par le mal, tout l’amour du monde pourrait bien ne pas suffire…
Les ailes de l’ange… Ne vous fiez pas à ce titre sirupeux qui représente très mal l’esprit de ce roman qui, est, c’est important de le préciser, le premier de l’auteure.
Au moment où débute l’histoire, nous sommes en 1956 dans le Comté de Columbia, en Arkansas. Nous faisons connaissance avec une famille atypique : John Moses, le patriarche, a un penchant prononcé pour la boisson et tient un bar, le « Never Close », attenant à l’épicerie dont s’occupe Calla, sa femme. Ensemble, ils ont eu sept enfants. Leur fille chérie, Willadee, a épousé un pasteur, Samuel Lake, et les deux époux sont amenés à déménager fréquemment. Cette instabilité ne semble pas être un souci pour leurs enfants, Noble, Swan et Bienville, qui s’entendent à merveille et partagent d’interminables parties de jeux. Il faut dire que Swan, du haut de ses 12 ans, est un vrai garçon manqué et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Les grandes vacances sont l’occasion, pour la famille Lake, de rentrer au pays et de partager des moments précieux avec John et Calla, ainsi qu’avec le reste de la famille, oncles, tantes, cousins et cousines. Mais si bonheur et générosité sont les maîtres-mots au sein de cette grande famille, ce n’est pas le cas dans toutes. Swan fait la connaissance de Blade, un garçon du coin à peine plus jeune qu’elle. C’est un petit être abîmé qui ne demande qu’à être aidé et aimé. Confrontés à une violence insoupçonnable et inadmissible, tous les personnages vont très rapidement voir leur vie bouleversée.
Les ailes de l’ange est un très beau roman. Le sourire vient aisément aux lèvres tant cette famille est sympathique et ces enfants attachants. J'ai particulièrement apprécié le personnage de Swan, son caractère bien trempé et sa bonté. Elle m'a fait penser à Scout du roman d'Harper Lee, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. Le petit Blade attire bien évidemment la sympathie, de même que Willadee, la maman dévouée, pour des raisons différentes. Un autre personnage de ce roman restera longtemps dans ma mémoire, il s'agit de Toy, l'oncle des trois enfants. La vie ne l'a pas épargné, son mariage est un échec et il n'a jamais eu d'enfant. Il trouve auprès de ses neveux et nièces le refuge dont il a besoin et une raison d'exister, et l'arrivée de jeune Blade va changer sa vie. Beaucoup de détails nous sont donnés sur chaque personnage, c’est très appréciable car nous avons l’impression de les connaître parfaitement. Le lecteur peut ainsi observer les réactions de chacun au sujet du drame qui se noue. Jenny Wingfield a un vrai sens de l’humour et nombreuses sont les petites réflexions qui m’ont fait rire dans ce roman. Pour autant, il ne faut pas oublier que c’est également un roman très dur : les scènes de violence sont peu nombreuses mais très difficiles, ce qui fait qu’il n’est peut-être pas à mettre entre toutes les mains… Faire rire et pleurer le lecteur dans un même roman est, je trouve, quelque chose de très difficile. Mais c'est justement parce que la violence et la souffrance côtoient le bonheur et l'amour que ce roman fonctionne à merveille.
L’œuvre en quelques mots…
« - Il s’appelle Blade, annonça-t-elle, comme si elle venait de le découvrir deux minutes plus tôt. Ses parents ont été emportés par la tornade. Il n’a plus personne pour s’occuper de lui, alors, qu’on le veuille ou non, il va falloir l’adopter.
Toy, à l’autre bout de la pièce, appuyé de l’épaule au chambranle de la porte, faillit perdre l’équilibre devant l’énormité du mensonge. Il en comprit toutefois la raison. Swan avait vu comment Ras Ballenger traitait le garçon le jour où ce dernier s’était arrêté devant le magasin et elle refusait l’idée de le renvoyer à cette mauvaise vie. Cette gamine avait beau être souvent dure comme une coquille de noix, elle possédait des océans de tendresse cachés. » (p.176)