Jeanine Teisson, Ecoute mon coeur
La maison du vieux Paulou est invendable : avec l'autoroute qui passe à côté, il faudrait être sourd pour y habiter ! Et si c'était là la solution ? La famille de sourds qui la visite est immédiatement séduite par la jolie demeure camarguaise. Quant à Paulou, il s'attache peu à peu à la famille : avec le petit Antoine, il partage son amour des traditions taurines et s'initie à la langue des signes. Un jour d'automne, des pluies diluviennes s'abattent sur la région...
Le vieux Paulou s’acharne : il vendra sa maison coûte que coûte ! Et il a la solution : vendre le bien à une famille de sourds qui supportera sans difficulté le bruit désagréable de l’autoroute voisine. Le vieil homme découvre les acheteurs : un couple et leur petit garçon. Comme la plupart des gens, il ne connaît rien du handicap qui les touche et, faisant fi des préjugés qui animent certains habitants de son village, il apprend à faire connaissance avec eux. Il s’indigne - pourquoi ne lui a-t-on pas appris le langage des signes à l’école ? - et s’émerveille devant ce langage mystérieux et aérien. Plus d’un siècle auparavant, Jean évoque, à travers des lettres envoyées à sa famille, la difficulté qu’il y a à être sourd. Il n’est alors pas question d’un handicap mais d’une déviance qu’il faut corriger. Faire parler les sourds, la belle affaire !
Ces deux histoires mises en parallèle contribuent à la réussite de ce roman. Il faut aussi évoquer la plume délicate qui donne vie à ce récit teinté d’humour et dépourvu de pathos. Une plume qui séduira chaque lecteur, petit ou grand, par sa simplicité et son efficacité. Et il n’est pas impossible qu’en refermant le livre, vous ayez envie vous aussi de savoir faire voler quelques mots du bout de vos doigts...
L’œuvre en quelques mots…
« J’ai réalisé quelque chose de terrible, c’est que dans le noir deux sourds ne peuvent pas se parler. » (p.24)
« Je suis assez découragé, surtout que les effets du congrès de Milan de 1880 se font maintenant sentir pleinement. Les entendants sont bien décidés à nous réduire au silence et à l’imbécilité ! On m’a dit qu’en Amérique, un nommé Bell, couvert de louanges pour avoir inventé un appareil à parler de loin, qui s’appelle je crois « téléphone », a décrété qu’il fallait stériliser les sourds. Si l’Amérique n’est plus un refuge pour nous, tout est perdu. » (p.104)