Jean-Paul Klée, Manoir des mélancolies
Pour Jean-Paul Klée, la vie est un grand cahier bleu ciel qu’il garnit des ravissements de chaque jour. Rencontres et conversations égayent son existence de poète replié. On croise ici une ancienne clerc de notaire ayant le cœur sur la main, le copain forestier amateur de femmes & de chevaux, deux vétérans de la guerre d’Algérie, une pâtissière qui roucoule à ses jeux de mots, le spectre de Pasolini ou celui de cet oncle qui – à l’inverse du père – réchappa aux nazis en vivant caché au fond d’un poulailler parcouru de passages secrets…
Dans ces proses stylisées, où l’émotion affleure, où la bienveillance luit, l’auteur promène son œil pointu sur notre réalité. Il ne s’agit pas seulement de dire le monde, mais de le réinventer.
Dans la masse des livres qui passent chaque jour entre nos mains avides de découverte, il en est qui font figure d'ovnis. Des « inclassables » en quelque sorte. Parfois, ils créent la bonne surprise. Parfois, c'est tout l'inverse, à tel point qu'on en vient à se demander pourquoi on les a lus. La réponse est souvent la même : la curiosité. Cette saine curiosité qui nous pousse parfois à nous diriger vers des lectures moins habituelles.
Lorsque j'ai ouvert Manoir des mélancolies de Jean-Paul Klée, je m'attendais à un recueil poétique relativement moderne et force est de constater que je ne me suis pas trompée. Mais je ne m'attendais pas à ne pas du tout apprécier cette lecture et ce, dès les premiers mots : « Oublié cela qui - J'étais en ville si souvent j'avais douceur alanguie à me promener ici & là sur le campus où mon ami Olivier a son bureau il travaille beaucoup & tout à l'heure la fatigue l'avait un petit peu jauni. » (p.7) On ne peut pas faire tout et n'importe quoi avec la langue française au nom de la modernité. Ou plutôt, si. On peut. Mais on n'est jamais garanti du résultat. Le phrasé et l'absence volontaire de ponctuation là où elle est nécessaire m'ont rendu la lecture de ce recueil particulièrement désagréable. Au lieu de me balader de phrase en phrase et de me laisser porter par la prose poétique annoncée, j'ai dû reconstituer - non sans efforts - le sens du texte... Rien ne laissait présager d'une telle écriture. « Sac de nœuds j'ai les pieds mouillés semelles trouées il faut m'acheter souliers neufs Or ça fait une semaine ou deux j'en caresse le projet Avec l'auto j'ai été hors la cité là où l'on voit des chaussures par milliers (formats couleurs femmes sports enfantelets) [...] » (p.23) Entre autres choses, j'ai été agacée par l'utilisation de l'esperluette à la place de la conjonction de coordination et par les nombreuses libertés orthographiques (ex : « l'hyver »). Et que dire du sort réservé au verbe « faire » ? En témoignent les expressions suivantes : « tout à fée », « je ne fée pas », « ça fée », « il fée encore jour »... Le nom de l'auteur n'est sans doute pas pour rien dans cette histoire...
L’œuvre en quelques mots…
« Qui donc se souviendra de tout ?... Rien ne restera, ni les pivoines de mon jardin ni la mémoire de nos tragédies !!... » (p.100)