Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le magnifique
« S’il faut dire la vérité, Jay Gatsby, de West Egg, Long Island, naquit de la conception platonicienne qu’il avait de lui-même. Il était fils de Dieu — expression qui ne signifie peut être rien d’autre que cela — et il lui incombait de s’occuper des affaires de son Père, de servir une beauté immense, vulgaire, clinquante. Aussi inventa-t-il la seule sorte de Jay Gatsby qu’un garçon de dix-sept ans était susceptible d’inventer, et il demeura fidèle à cette conception jusqu’à la fin. »
A l’occasion de ses quarante ans, Folio, la collection poche des éditions Gallimard, nous offre une traduction inédite du roman de Francis Scott Fitzgerald, l’occasion pour les lecteurs de découvrir ou redécouvrir ce roman que l’on présente comme un chef-d’œuvre. Gatsby le magnifique faisait partie de ces livres au sujet desquels je me suis souvent dit : « Il faudra le lire ! ». Ce n’est pas tant l’histoire qui m’attirait, je n’ai d’ailleurs jamais cherché à trop en savoir, mais bel et bien le succès de ce roman, jamais démenti.
Deux couvertures pour le prix d’une dans cette édition : la première, rose fuchsia avec de discrètes ornementations en relief, a été spécialement conçue pour l’anniversaire de Folio, la seconde, la « vraie » couverture, nous apporte quelques précisions sur le roman, là où la quatrième de couverture reste très elliptique. Un homme, de dos, un verre à la main, discute avec une jeune femme qui semble aussi détendue que raffinée. Le mystère reste entier sur ce personnage masculin qui représente justement pour notre narrateur une véritable énigme.
Nick Carraway appartient depuis trois générations à une famille établie dans le Middle West, à la tête d’une affaire de quincaillerie. Diplômée de New Haven en 1915, il est emmené très vite à participer à la Grande Guerre. A son retour, Nick réalise qu’il aspire à autre chose qu’une vie passée dans le Middle West, à reprendre les affaires familiales. Il décide donc de partir vers l’Est pour apprendre le métier de courtier en valeurs. Il s’installe du côté de Long Island, retrouve sa cousine Daisy et devient le voisin d’une gentilhommière habitée par un dénommé Gatsby. Cet homme est le mystère incarné et pourtant, chacun y va de sa petite révélation et prétend le connaître. On dit de lui qu’il serait le neveu ou le cousin de Guillaume II. On dit aussi qu’il aurait tué un homme. L’individu intrigue et fascine. Un jour, il pose à Nick, qui le connaît à peine, une question déroutante : « Dites mon vieux, […] que pensez-vous de moi au fond ? ». Dès lors, le jeune homme devient, sans vraiment l’avoir voulu, le confident de l’intrigant Gastby et comprend que son plus grand secret concerne une femme…
Entrer dans l’histoire n’a pas été chose aisée, mais il faut dire que la fatigue n’a pas été mon alliée sur ce coup-là : je l’avoue, j’ai dû relire deux fois les dix premières pages… Une fois ce cap franchi, j’ai pu m’imprégner de l’histoire et force est de constater que l’auteur a su ménager le suspense dans ce roman. L’arrivée de Gatsby est intelligemment préparée et, forcément, attendue avec impatience par le lecteur. C’est un personnage littéraire très intéressant, si bien que les autres peuvent sembler un peu fades à côté. Ce n’est néanmoins pas le cas de Nick, personnage-narrateur vers lequel la sympathie du lecteur se dirige très rapidement. J’ai aimé cette histoire, sans l’adorer toutefois. C’est un roman du passé, dans une atmosphère un peu désuète qui a son charme, un roman sur les rapports humains et le comportement de l’homme en société, un roman qui donne à réfléchir sur les à priori et les on-dit. C’est une histoire dans laquelle l’argent et le pouvoir dissimulent habilement ce sentiment qui anime aussi bien les nantis que les pauvres, l'amour, et, en cela, ce roman est une réussite. La fin est dure, mais pas inattendue car il y a toujours quelque danger à être trop connu ou plutôt méconnu, en l’occurrence.
L’œuvre en quelques mots…
« Quand j’étais plus jeune et plus vulnérable, mon père, un jour, m’a donné un conseil que je n’ai pas cessé de retourner dans ma tête.
« Chaque fois que tu seras tenté de critiquer quelqu’un, m’a-t-il dit, songe d’abord que tout un chacun n’a pas eu en ce bas monde les mêmes avantages que toi. »
Il n’en a pas dit plus, mais comme nous avions une capacité peu ordinaire à communiquer dans la plus extrême réserve, j’ai compris qu’il exprimait ainsi beaucoup plus qu’il n’y paraissait. » (p.13)