Didier Van Cauwelaert, Le journal intime d'un arbre
« On m'appelle Tristan, j'ai trois cents ans et j'ai connu toute la gamme des émotions humaines. Je suis tombé au lever du jour.
Une nouvelle vie commence pour moi - mais sous quelle forme ? Ma conscience et ma mémoire habiteront-elles chacune de mes bûches, ou la statuette qu'une jeune fille a sculptée dans mon bois ?
Ballotté entre les secrets de mon passé et les rebondissements du présent, lié malgré moi au devenir des deux amants dont je fus la passion commune, j'essaie de comprendre pourquoi je survis. Ai-je une utilité, une mission, un moyen d'agir sur le destin de ceux qui m'ont aimé ? »
Didier Van Cauwelaert n’en est pas à son premier coup de maître si j’en crois les billets que j’ai eu l’occasion de lire à son sujet sur la blogosphère. Pour moi, il s’agit ici d’une vraie découverte car, même si j’avais déjà deux ou trois de ses titres en tête, je n’avais pas encore « franchi le pas ». Pour une première rencontre, je dois dire que c’est plutôt réussi !
L’auteur réussit à embarquer son lecteur dans une histoire où le narrateur n’est autre qu’un arbre et ce, sur près de 250 pages. Il fallait oser ! L’arbre est en fait un poirier que son dernier propriétaire a protégé comme son propre enfant. Il faut dire que Georges Lannes y conserve le souvenir de son fils disparu trop tôt : la balle qui l’a tuée est en effet incrustée dans l’arbre. Mais voilà, Tristan, puisque c’est ainsi qu’il a été baptisé, est tombé et Georges s’effondre. C’est sur la chute de l’arbre que s’ouvre donc ce roman qui offre, dès les premières pages, une belle réflexion sur la place de l’homme et sur la mort. C’est dans la souffrance que nous faisons la connaissance de Tristan et c’est à travers son regard que nous allons observer les événements qui vont suivre sa chute et faire connaissance avec les autres personnages du roman. Car Tristan ressent tout : « Un arbre n’a d’autres sentiments que ceux qu’on lui confie. D’autres émotions que celles qu’il perçoit. » (p.14) Il est le réceptacle des émotions qui l’entoure et elles sont nombreuses… La tendresse et l’amour de Georges, la colère et la jalousie des voisins qui ont demandé l’abattement de l’arbre, la douceur et la solitude de la petite Manon pour qui Tristan est devenu un père de substitution. Notre poirier tricentenaire, planté sous Louis XV, a eu bien des occasions de sonder la vie humaine, il a d’ailleurs eu longtemps mauvaise réputation. Il n’en fallait pas plus pour intéresser Yannis Karras, un critique d’arbres qui avait entrepris de reconstituer son histoire, avant que celui-ci ne tombe…
Le Journal intime d’un arbre est, pour commencer, un très bel ouvrage. Je trouve la couverture particulièrement soignée : une image qui illustre parfaitement le propos du livre, des couleurs très harmonieuses, les couvertures intérieures taupe m’ont séduite. C’est un livre qui, si on le croise en librairie, peut réellement donner envie. Mais ce roman est aussi la promesse d’une belle lecture et, qui plus est, une lecture originale ! L’histoire est intéressante et les pages se tournent sans difficulté. Il ne fait aucun doute que le talent de l’auteur y est pour beaucoup. J’ai ainsi fait la connaissance d’un conteur remarquable à la plume poétique et aux phrases percutantes.
L’œuvre en quelques mots…
« Trois siècles passés à vous côtoyer m’ont imprégné de vos différentes façons d’envisager l’au-delà. Refus, angoisse, attirance morbide, tentative d’oubli, souffrance – ou alors illusion d’éternité à travers la passion, la religion, l’art, la débauche… Tout cela pour un seul et même résultat : la découverte finale qu’il n’y a rien de spécial après la mort. Rien de plus que la vie. Rien d’autre que soi et les autres, rien à part les sentiments avec lesquels on est venu au monde, qu’on a développés ou combattus à l’intérieur d’un corps qui n’était qu’un moyen d’expression. » (p.13)