Delphine de Vigan, Un soir de décembre
« Les histoires se jouent dans les premières heures, dans les premiers mots. Les jeux sont faits. Celui qui donne et celui qui reçoit. Celui qui gagne et celui qui perd. Et tout est là, cartes retournées, faces cachées, sur la table. »
Matthieu Brin est marié et père de deux enfants. Il vient tout juste de publier son premier roman qui connait un grand succès. Mais très vite, il se retrouve face à un problème que tous les auteurs connaissent certainement : qu’écrire après cela ? Ce premier roman, qui semble être né d’un besoin viscéral, a également tari l’imagination de l’auteur. Pendant ce temps, les lettres d’admirateurs s’immiscent dans l’univers tranquille de la petite famille. Une longue lettre attire un jour l’attention de Matthieu. D’autres suivront, levant peu à peu le voile sur l’identité de l’épistolière. Ce n’est pas en effet une simple admiratrice qui écrit à Matthieu au sujet de son roman : au fil des pages, l’inconnue prend les traits d’une jeune femme, Sara, rencontrée dans un avion et avec qui Matthieu a vécu une aventure passionnelle… Les souvenirs et les doutes envahissent alors l’esprit de Matthieu qui s’éloigne de sa famille et ne pense plus qu’à celle qu’il avait quittée, un soir de décembre.
Ce n’est pas tant l’histoire que la plume de Delphine de Vigan qui m’a séduite. Cette histoire que j’ai trouvée assez banale, bien qu’intéressante (on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le choix final de Matthieu), est en effet portée par une écriture sublime. Les mots sont justes, touchants, ils cristallisent la douleur et le désir. Les passions humaines y sont finement analysées.
Je découvre avec ce titre l’univers de Delphine de Vigan. Je ne sais pas si ses autres romans sont aussi bien écrits, mais je demande à voir, c’est sûr. Jours sans faim est justement dans ma PAL.
Merci à Stephie qui m’avait offert ce roman lors d’un swap !
L’œuvre en quelques mots…
« J’écris à même la source, là où le temps est aboli, où il s’est arrêté. A brûle-pourpoint. Mais pas tant que ça. Nous avons tous une histoire à raconter. Quelque chose dont il faudrait réussir à se débarrasser pour avancer.
C’est l’histoire d’une femme qui traîne dans les bars à la recherche d’un homme qu’elle a perdu trop tôt. Ce n’est pas tout à fait lui qu’elle cherche, plutôt le souvenir de lui, le souvenir d’avant lui.
C’est l’histoire d’une femme qui écrit à un homme qui écrit, une femme sans contours, venue de nulle part, qu’il a peut-être oubliée, qui peu à peu se dessine, refait surface, cherche de l’air. Un air plus doux, apaisé. » (p.96)
« - Un livre n’est jamais fini. Même imprimé, il continue à vivre, comme un organisme autonome, appelle les ratures, les précisions, il souffre de ses amputations, il attend réparation. Un livre est comme un amour blessé, lacunaire, il contient en lui ce qu’il aurait pu être et qu’il n’a pas été, cet impossible retour en arrière, ce qu’on aurait dû dire, ce qu’on aurait dû taire, il porte en lui la douleur d’avoir été abandonné.
- Il faut bien que les livres s’achèvent. Mais vous avez raison. Quand il m’arrive d’ouvrir mon premier roman, dès la première ligne, je recommence à l’écrire.
- Et votre premier amour ?
- Je ne m’en souviens pas.
- C’est que vous n’avez pas souffert. » (p.169)