Anne-Laure Bondoux, Les Larmes de l'assassin
L'homme et la femme Poloverdo avaient un enfant qui poussait comme le reste sur cette terre, c'est-à-dire pas très bien. Il passait ses journées à courir après les serpents. Il avait de la terre sous les ongles, les oreilles décollées à force d'être rabattues par les rafales de vent, et s'appelait Paolo. Paolo Poloverdo.
C'est lui qui vit venir l'homme, là-bas, sur le chemin, par un jour chaud de janvier. Cette fois-là, ce n'était ni un géologue, ni un marchand de voyages, et encore moins un poète. C'était Angel Allegria. Un truand, un escroc, un assassin.
Il existe des livres dont on n’a jamais entendu parler et sur lesquels, un jour, notre regard se pose. On ne les choisit jamais vraiment par hasard : c’est l’illustration qui nous attire, le nom de l’auteur qui retient notre attention, le résumé qui nous inspire… Je crois que dans le cas présent c’est l’annotation présente sur la quatrième de couverture qui m’a poussée à choisir ce roman : « Un roman magnifique sur l’innocence et le mal, à travers le destin de trois personnages en quête de vérité. » Et quel choix judicieux j’ai fait ce jour-là, car magnifique, ce roman l’est incontestablement.
Sur les terres arides du Chili, au sud, tout au sud, se trouve la ferme des Poloverdo. Trois êtres habitent cette bâtisse posée entre le désert et la mer : la femme Poloverdo (qui s’empresse de servir à boire aux voyageurs parvenus jusqu’à leur ferme), l’homme Poloverdo (rustre et taciturne) – tous deux sont à l’image de la lande désolée sur laquelle ils ont construit leur foyer – et leur garçon, Paolo, « né de la routine de leur lit ». Un jour de janvier, un homme connu sous le nom d’Angel Allegria parvient jusqu’à ce bout de terre caillouteux. D’autres sont passés par là avant lui et, comme eux, il n’est pas arrivé là par hasard. Mais la méchanceté brute perceptible dans son regard n’annonce rien de bon…
Primé une vingtaine de fois, Les Larmes de l’assassin est un roman sur la mort et la vie, la culpabilité et la rédemption, la solitude et l’espoir... Un roman d’amour dans lequel un enfant innocent fait l’expérience de la vie, dans ce qu’elle a de plus brutal, et apprend à grandir au gré des rencontres qu’il fait. Une véritable succession d’émotions, en à peine plus de deux-cents pages. Une écriture sensible et poétique d’une simplicité et d’une justesse incroyables. Un coup de cœur !
L’œuvre en quelques mots…
« – Les poètes aussi, ajouta Ricardo Murga, savent transformer les choses. Ils posent leurs yeux sur le monde, puis ils l’absorbent comme un breuvage. Quand ils se mettent à parler, alors, plus rien n’est pareil. C’est une forme d’enchantement. Je m’applique chaque jour à regarder le monde avec ces yeux-là. C’est ce qui me sauve. » (p.157)
« S’il y a une chose que la vie m’a apprise, c’est accepter le bonheur, même le plus fou, le plus impensable qui soit. Acceptez le bonheur et faites silence. Toutes les questions que vous vous posez sont vaines… » (p.161)
« Alors, Paolo alla s’enfermer dans sa chambre. Il ne comprenait pas quel sens cela avait, tout ça. Il se prit la tête entre les mains et attendit, attendit, attendit. A force d’attendre, peut-être que son cœur allait s’arrêter de battre, de lui-même, comme une mécanique usée ? Comment faire, sinon pour cesser d’aimer quelqu’un ? » (p.209)
« Paolo possédait quelque chose d’inestimable : un endroit sur cette terre où il était vraiment chez lui et qui, par sa rudesse, remettait d’emblée l’homme à sa juste place dans l’univers. » (p.224)