Miguel Bonnefoy, Le Rêve du jaguar
Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d’une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l’orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.
Une compagne d’exception l’inspirera. Ana Maria se distinguera comme la première femme médecin de la région. Ils donneront naissance à une fille qu’ils baptiseront du nom de leur propre nation : Venezuela. Liée par son prénom autant que par ses origines à l’Amérique du Sud, elle n’a d’yeux que pour Paris. Mais on ne quitte jamais vraiment les siens.
C’est dans le carnet de Cristobal, dernier maillon de la descendance, que les mille histoires de cette étonnante lignée pourront, enfin, s’ancrer.
Dans cette saga vibrante aux personnages inoubliables, Miguel Bonnefoy campe dans un style flamboyant le tableau, inspiré de ses ancêtres, d’une extraordinaire famille dont la destinée s’entrelace à celle du Venezuela.
Le Rêve du jaguar est une épopée familiale s’étendant sur plusieurs décennies et environ 280 pages. Les qualités sont nombreuses et les défauts pas inexistants mais l’ensemble reste un plaisir à lire tant la plume de Miguel Bonnefoy est agréable. On s’attache sans aucune difficulté au personnage principal, Antonio. Abandonné sur les marches d’une église quelques jours seulement après sa naissance, il sera recueilli par une mendiante qui, à défaut de lui offrir une situation financière acceptable, lui fera le don le plus précieux : un nouveau départ dans une vie qui ne semblait pas vouloir de lui. Avec la tendresse d’une mère et la rudesse liée à sa condition, elle l’élèvera jusqu’à ce qu’il prenne son envol et Antonio, contre toute attente et après avoir exercé toutes sortes de métiers, finira par étudier la médecine à l’université de Caracas où il rencontrera sa future femme, Ana Maria…
La narration est riche, pour ne pas dire foisonnante. Trop parfois. Si le parcours d’Antonio est présenté d’une manière satisfaisante quoique non exhaustive, Miguel Bonnefoy passe souvent trop vite sur l’évolution des autres personnages, si bien que le lecteur se retrouve régulièrement pris au dépourvu : il ne peut que constater les nombreux sauts temporels, sans avoir pu appréhender correctement l’écoulement du temps. C’est assez troublant et c’est ce qui fait que ce roman que j’ai beaucoup apprécié par ailleurs, n’a pas été un coup de cœur, cette impression d’une succession d’instants de vie venant remplacer la grande fresque familiale qu’aurait pu être Le Rêve du jaguar.
L’œuvre en quelques mots…
« Au troisième jour de sa vie, Antonio Borjas Romero fut abandonné sur les marches d’une église dans une rue qui aujourd’hui porte son nom. Personne ne put dire précisément à quelle date il fut trouvé, on sait seulement que tous les matins, toujours au même endroit, une femme misérable avait l’habitude de s’asseoir là pour déposer devant elle une écuelle en calebasse et tendre une main fragile aux passant du parvis. » (p.13)