Grands Corps Malade, Patients
À tout juste 20 ans, alors qu'il chahute avec des amis, Fabien heurte le fond d'une piscine. Les médecins diagnostiquent une probable paralysie à vie. Dans le style poétique drôle et incisif qu'on lui connaît, Grand Corps malade relate les péripéties vécues avec ses colocataires d'infortune dans un centre de rééducation. Jonglant avec émotion et dérision, ce récit est aussi celui d'une renaissance.
À peu près tout le monde connaît Grand Corps Malade, sa voix grave et ses textes qui font souvent mouche. On connaît cependant un peu moins Fabien Marsaud même si sa démarche claudicante et sa canne en disent long sur le parcours qui a été le sien, parcours qu’il retrace dans un roman autobiographique paru en 2012 et qui a donné naissance, quelques années plus tard, à un film portant le même titre. Patients, c’est donc l’histoire de ce jeune homme qui voit sa vie basculer à cause d’un stupide accident et tente de lui imaginer une suite heureuse dans un centre de rééducation où il va côtoyer des êtres heurtés comme lui par la vie.
C’est un roman à lire, ne serait-ce que parce qu’il met sur le devant de la scène des femmes et des hommes qui sont tout sauf des héros de roman. Ils souffrent dans leur chair, ils sont immobilisés, leurs blessures psychologiques sont immenses, autant que les doutes et le désespoir qui les habitent. Ce sont en revanche des héros du quotidien, ils font partie de ceux qui se battent pour se construire un avenir. J’ai apprécié de découvrir cette palette de personnages et je les ai trouvés attachants, le regard porté sur eux par le narrateur n’y étant bien sûr pas pour rien. Grand Corps Malade a choisi la voie de l’humour et de l’autodérision pour parler de ses compagnons de galère et de lui-même, c’était sans doute ce qu’il y avait de mieux à faire. En revanche, j’aurais aimé avoir plus de détails sur la rééducation physique de l’auteur, comme j’aurais aimé lire un texte avec de bien plus grandes qualités littéraires. Le style est un peu trop plat à mon goût et l’enchaînement des différents chapitres manque de liant et d’harmonie.
L’œuvre en quelques mots…
« Notre centre est grand comme un paquebot de croisière et ce terrain de jeu de nuit assez flippant. La plupart du temps, nous n’entendons aucun bruit, si ce n’est celui du petit moteur de mon fauteuil et le frottement des pneus sur le sol. Mais, parfois, en passant à proximité de l’aile des TC, il y a aussi des grands cris. Les entendre résonner le long des couleurs obscurs suffit à nous provoquer le petit frisson d’adrénaline recherché. On se sent un peu en expédition. Ce grand paquebot nous est soudainement offert, il ronfle à son rythme de croisière, renfermant en son antre plusieurs centaines de voyageurs endormis.
Personne dans ce bateau ne sait vraiment quand ce voyage s’arrêtera et jusqu’où il va nous mener. » (p.73)
« Tout le monde s’habitue. C’est dans la nature humaine. On s’habitue à voir l’inhabituel, on s’habitue à vivre des choses dérangeantes, on s’habitue à voir des gens souffrir, on s’habitue nous-mêmes à la souffrance. On s’habitue à être prisonniers de notre propre corps. On s’habitue, ça nous sauve. » (p.78)