Yasmina Khadra, Les Hirondelles de Kaboul

Publié le par calypso

 

Dans les ruines brûlantes de la cité millénaire de Kaboul, la mort rôde, un turban noir autour du crâne. Ici, une lapidation de femme, là des exécutions publiques, les Taliban veillent. La joie et le rire sont suspects. Atiq, le courageux moudjahid reconverti en geôlier, traîne sa peine. Le goût de vivre a également abandonné Mohsen, qui rêvait de modernité. Son épouse Zunaira, avocate, plus belle que le ciel, est désormais condamnée à l'obscurité grillagée du tchadri. Alors Kaboul, que la folie guette, n'a plus d'autres histoires à offrir que des tragédies. Le printemps des hirondelles semble bien loin encore…

 

Très beau roman de Yasmina Khadra qui témoigne de la situation du peuple afghan sous le régime taliban. On suit en parallèle le destin de deux couples dans une capitale qui n’a de couleur que celle du sang et d’odeur que celle du plomb. Les habitants subissent et errent plus qu’ils ne vivent et agissent, contraints par une force qui les dépasse et les accable. Pourtant, dans cette ville en ruines où l’inertie est pour beaucoup une tentative de préservation mentale et physique, quelques voix s’élèvent et laissent bruire une révolte contre l’obscurantisme. Des chemins se croisent et l’humanité renaît, avec tout ce que cela comporte de risques et de tragédies…

Écrit en 2002… Et pourtant… Un roman qui nous rappelle, s’il était nécessaire, l’importance de la littérature qui, face à la grande Histoire, nous ouvre les portes de l’infiniment petit en mettant en avant les destinées individuelles, avec beaucoup de subtilité et de sensibilité. On a l’impression d’y être : dans cette capitale dévastée et déshumanisée, dans ces rues salies par les corps lapidés et par la noirceur et la folie des âmes, dans cette prison qui voit ses occupants défiler, dans ces maisons lourdes de silences et de regrets. C’est un roman qui nous happe et qui nous fait prendre position car il est absolument impossible de rester insensible face aux actes décrits et aux pensées révélées.  Mais tout est instable car l’être humain est changeant : un personnage honni peut s’avérer désespérément fragile quand un autre, insignifiant, peut cacher une grandeur d’âme insoupçonnée. C’est en outre extrêmement bien écrit mais le style peut déstabiliser au début : il faut persévérer, la poéticité du texte est aussi une arme contre la barbarie et elle dit tout ce que l’humain a de beau en lui.  

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Personne ne croit au miracle des pluies, aux féeries du printemps, encore moins aux aurores d’un lendemain clément. Les hommes sont devenus fous ; ils ont tourné le dos au jour pour faire face à la nuit. Les saints patrons ont été destitués. Les prophètes sont morts et leurs fantômes crucifiés sur le front des enfants…

Et pourtant, c’est ici aussi, dans le mutisme des rocailles et le silence des tombes, parmi la sécheresse des sols et l’aridité des cœurs, qu’est née notre histoire comme éclot le nénuphar sur les eaux croupissantes du marais. » (p.8)

 

« Vivre, c’est d’abord se tenir prêt à recevoir le ciel sur la tête. Si tu pars du principe que l’existence n’est qu’une épreuve, tu es équipé pour gérer ses peines et ses surprises. Si tu persistes à attendre d’elle ce qu’elle ne peut te donner, c’est la preuve que tu n’as rien compris. » (p.91)

 

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