Larry Tremblay, L'Orangeraie
Les jumeaux Amed et Aziz auraient pu vivre paisiblement à l’ombre des orangers. Mais un obus traverse le ciel, tuant leurs grands-parents. La guerre s’empare de leur enfance. Un des chefs de la région vient demander à leur père de sacrifier un de ses fils pour le bien de la communauté. Comment faire ce choix impossible ?
Très belle découverte que ce court mais puissant roman. L’écriture a la simplicité et la fraîcheur d’un conte et en même temps la force et le souffle d’une tragédie. C’est un mélange qui fonctionne très bien. Mais ce n’est pas le seul point positif : le lecteur est plongé dans le vif du sujet très rapidement, il n’y a pas de détours, l’histoire est extrêmement intéressante et les imprécisions sur l’espace et le temps tendent à la rendre universelle. Il faut cependant préciser que le roman est découpé en trois parties et, pour moi, la première – c’est-à-dire les deux premiers tiers du roman – est clairement au-dessus des deux autres. On s’éloigne malheureusement dans le dernier tiers de cette manière de raconter qui fait le charme du texte, même si, bien sûr, c’est un prolongement nécessaire et intéressant puisque des révélations sont faites. Il était peut-être possible de les introduire différemment, mais on ne va pas réécrire le roman. Je garderai en tête l’image d’Amed et d’Aziz, de leur lien fraternel et de leur innocence face au terrible destin qui leur est offert.
L’œuvre en quelques mots…
« Si Amed pleurait, Aziz pleurait aussi. Si Aziz riait, Amed riait aussi. Les gens disaient pour se moquer d'eux : "Plus tard ils vont se marier."
Leur grand-mère s’appelait Shahina. Avec ses mauvais yeux, elle les confondait tout le temps. Elle les appelait ses deux gouttes d’eau dans le désert. Elle disait : "Cessez de vous tenir par la main, j’ai l’impression de voir double." Elle disait aussi : "Un jour, il n’y aura plus de gouttes, il y aura de l’eau, c’est tout." Elle aurait pu dire : "Un jour, il y aura du sang, c’est tout." » (p.13)
« Mickaël mesurait à quel point la guerre efface les frontières entre le monde des adultes et celui des enfants. » (p.112)