Biz, Naufrage
Frédérick, fonctionnaire de trente-neuf ans, a une maison qui est une ambassade à l'abri des soucis du monde, une femme au sourire solaire et un petit garçon âgé d'un an qui fonce vers lui sur ses jambes neuves comme un obus chargé d'amour.
Mais voilà qu'au travail on le mute aux Archives, façon de dire qu'on le met sur une tablette pour qu'il y accumule la poussière. Être payé à ne rien faire ? C'est un scandale intime, honteux, qui engendre une révolution personnelle, et Frédérick décide bientôt qu'il devra tout faire pour dénoncer publiquement cette situation. Et ensuite...
Eh bien, la suite ne se raconte pas. Il vous faudra la vivre en la lisant. Il vous faudra, comme Frédérick, l'éprouver dans votre chair. Et il vous faudra la garder pour vous, lecteurs, car plus rien ne sera jamais pareil. Naufrage est un roman qui fait mal.
Je voulais commencer en écrivant que ce roman comprend deux parties assez distinctes mais je préfère utiliser l’expression « deux romans en un » qui correspond davantage à l’impression qu’il me laisse. J’exagère un peu car les deux parties sont intrinsèquement liées, mais je m’en tiens à mon ressenti de lectrice : je n’ai trouvé aucun intérêt à cette première partie, tandis que la seconde m’a davantage plu, sans effacer toutefois le sentiment mitigé né dès le début du texte.
Nous commençons par faire la rencontre de Frédérick qui accompagne sa femme lors de son accouchement et perd connaissance en coupant le cordon ombilical. Nous le retrouvons ensuite alors qu’il apprend qu’il perd son poste actuel et qu’il est muté au service des Archives. Commence alors le récit de son inactivité dans les sous-sols de son entreprise, lui, l’analyste, à qui l’on ne confie aucune tâche, à qui l’on promet de donner un code d’ordinateur pour pouvoir travailler, à qui l’on assure des explications à venir sur la teneur du travail à effectuer. Bref, il doit classer, Frédérick, mais quoi et pourquoi, et quel sens donner à tout cela ? Il trouve le système absurde et cela finit par l’obséder. On sent qu’il approche du point de rupture et celui-ci prend une voie que l’on n’avait absolument pas devinée, c’est le début de la seconde partie et c’est un vrai coup de poing. Je n’ose pas dire un coup de génie car ça aurait pu l’être si l’ensemble du roman avait été meilleur, mais c’est en tout cas une partie qui m’a été plus agréable à lire et qui aurait pu être plus convaincante que la première. Seulement, cette seconde partie est très rapide et le sujet est survolé. L’idée est bonne mais traitée sans épaisseur. Comme si l’auteur tenait à écrire sur ce sujet mais n’en avait pas mesuré la difficulté. J’ajoute un dernier point négatif : je n’ai pas du tout été séduite par le style, mais alors pas du tout, et j’ai même été très gênée par le vocabulaire et les expressions québécois ; en l’occurrence je plaide coupable puisque j’ai moi-même choisi de lire ce titre en connaissance de cause, puissent les Québécois me pardonner ! Je termine sur une note positive : les chapitres sont entrecoupés de petits récits qui semblent détachés de l’ensemble mais font sens à la toute fin, très bonne idée ! Là, on tenait vraiment quelque chose… Dommage !
L’œuvre en quelques mots…
« J’étais dans la maison des fous. La folie, ce n’est pas de hurler durant un incendie, mais d’agir normalement alors que la maison brûle. »