David Vann, Aquarium
Caitlin, douze ans, habite avec sa mère dans un modeste appartement d’une banlieue de Seattle. Afin d’échapper à la solitude et à la grisaille de sa vie quotidienne, chaque jour, après l’école, elle court à l’aquarium pour se plonger dans les profondeurs du monde marin qui la fascine. Là, elle rencontre un vieil homme qui semble partager sa passion pour les poissons et devient peu à peu son confident. Mais la vie de Caitlin bascule le jour où sa mère découvre cette amitié et lui révèle le terrible secret qui les lie toutes deux à cet homme.
Je lis parfois que David Vann, on adore ou on déteste. J’ai un avis bien plus nuancé, la preuve : je suis bien embêtée pour dire si j’ai aimé ou pas Aquarium. Disons que j’ai beaucoup apprécié certains passages et que d’autres m’ont mise mal à l’aise. Voilà, c’est finalement aussi simple que cela : une expérience contrastée et quelque peu douloureuse.
Ce roman est une plongée dans la vie d’une adolescente de douze ans, Caitlin, qui vit seule avec sa mère. Son quotidien morne et solitaire s’éclaire chaque fin d’après-midi lorsqu’elle se rend au grand aquarium de Seattle. Elle y admire toutes sortes de poissons dont elle connaît les particularités sur le bout des doigts et elle partage sa passion avec un vieil homme qui, comme elle, vient régulièrement coller son nez contre les parois vitrées. Ce qu’elle ignore, c’est que cette amitié pourrait bien mettre à mal l’équilibre familial.
Il y a de l’amour dans ce roman, mais il est souvent si maladroit qu’il s’exprime à travers une violence insoutenable. C’est le style David Vann, cela ne m’a donc pas surprise mais profondément dérangée. Les liens familiaux sont interrogés et disséqués, les relations mises à mal sous les yeux du lecteur. Sartre aurait pu écrire à ce sujet : « L’Enfer, c’est la famille. » De l’amour fusionnel à l’abandon, de la compréhension au rejet, il n’y a qu’un pas. C’est d’une grande intensité psychologique. Toutefois, il me semble que, contrairement aux autres romans de David Vann, il y a dans Aquarium une note d’espoir au milieu de toute cette noirceur : il apparaît dans les dernières lignes et il est surtout porté par le personnage de Caitlin, lumineuse, sensible et intelligente.
Je peine à retrouver l’émotion ressentie à la lecture de Sukkwan Island il y a quelques années, mais je poursuivrai tout de même avec l’auteur, il ne me reste plus que Goat Mountain à découvrir.
L’œuvre en quelques mots…
« Je savais qu'un truc ne tournait pas rond. Même à douze ans, je savais qu'on ne rencontre jamais un vieil homme au hasard, comme ça. Mais j'avais besoin de lui, aussi ignorai-je tous les détails un peu louches. Je me blottis à nouveau contre lui, son bras autour de moi, et je contemplai les méduses dans leurs lentes pulsations infinies, battement de cœur avant même qu'existe le cœur, et je sentis ma vie soudain possible. »
« Ma mère était capable de vivre sans perspectives d'avenir. C'était sans doute sa plus grande qualité, le fait qu'elle ne désespérait jamais. »
« À douze ans, je n’éprouvais qu’un sentiment de pression, une sorte de prémonition, à voguer dans chaque marée et attendre le reflux en croyant, peut-être, que tout serait libéré un jour ou l’autre. Chaque jour était plus long qu’aujourd’hui, et ma propre fin pas encore envisageable. C’était un esprit plus simple, plus direct, plus réactif. Nous sommes nous-même soumis à une évolution, chacun d’entre nous, progressant d’une certaine vision du monde à une autre, chaque âge oubliant le précédant, chaque esprit passé effacé. Nous ne voyons plus du tout le même monde. »
« Le pire, dans l’enfance, c’est de ne pas savoir que les mauvais moments ont une fin, que le temps passe. Un instant terrible pour un enfant plane avec une sorte d’éternité, insoutenable. La colère de ma mère s’étirait à l’infini, une rage à laquelle nous n’échapperions jamais. »
« Tout est possible avec un parent. Les parents sont des dieux. Ils nous font et nous détruisent. Ils déforment le monde, le recréent à leur manière et c'est ce monde-là qu'on connaît ensuite, pour toujours. C'est le seul monde. On est incapable de voir à quoi d'autre il pourrait ressembler. »