Daphné Du Maurier, Ma cousine Rachel
Philip, sans la connaître, déteste cette femme que son cousin Ambroise, avec lequel il a toujours vécu étroitement uni dans leur beau domaine de Cornouailles, a épousée soudainement pendant un séjour en Italie.
Quand Ambroise lui écrira qu'il soupçonne sa femme de vouloir l'empoisonner, Philip le croira d'emblée. Ambroise mort, il jure de le venger.
Sa cousine, cependant, n'a rien de la femme qu'imagine Philip. Il ne tarde pas à s'éprendre d'elle, à bâtir follement un plan d'avenir pour finir par buter sur une réalité de cauchemar.
Waouh ! J’ai adoré ce roman ! J’en aurais bien repris un morceau, surtout du sieur Philip, notre héros anglais. Il faut dire que je l’ai imaginé tout au long de ma lecture sous les traits de Sam Claflin qui interprétera le rôle prochainement au cinéma et qui n’est tout de même pas parmi les plus moches. Enfin, bref, passons.
C’est génial, vraiment. D’abord, j’ai beaucoup aimé l’entrée en matière, cette histoire d’assassins pendus au carrefour des Quatre-Chemins, souvenir intact dans la mémoire du narrateur, Philip, et la sentence de son cousin Ambroise : « Sache ce qu’un moment de folie peut faire d’un homme ». On comprend facilement que ces mots résonneront jusqu’à la dernière ligne du roman. Et déjà, il est question de la fameuse Rachel annoncée par le titre… innocente, coupable… mais de quoi ? Et qui est-elle ? On l’attend, impatiemment, tout en faisant connaissance avec les deux personnages masculins de ce roman rendus particulièrement touchants par la complicité qui les unit. Ambroise a élevé Philip qui est devenu orphelin très jeune et il n’a jamais souhaité se marier. Mais alors qu’il s’est rendu pour quelques mois en Italie afin de profiter d’un climat plus favorable, il fait la rencontre de Rachel qu’il ne tarde pas à épouser. Des lettres sont alors échangées entre les deux hommes et l’inquiétude de Philip ne fait que croître quand son cousin commence à lui parler d’une maladie qui l’immobilise en Italie et l’empêche de reprendre la route pour les Cornouailles. Pire, Ambroise prétend qu’il se méfie de sa jeune épouse qui le surveille sans cesse. La dernière lettre est un appel au secours. Philip se rend à Florence et apprend la mort d'Ambroise. Il ne peut y rencontrer Rachel qui a déjà quitté sa maison et il se jure non seulement de haïr cette femme toute sa vie, mais également de venger son cousin. Résolution qu’il oubliera bien vite lorsqu’il fera la connaissance de Rachel sur ses terres, en Angleterre.
Tout, absolument tout, est basé sur la psychologie des personnages. De manière très caricaturale, on pourrait dire que Philip est d’une naïveté affligeante et que Rachel est une manipulatrice hors pair. Mais il n’en est rien car chaque personnage s’avère beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Il en va de même pour les personnages secondaires : prenons Louise, notamment, l’amie d’enfance, la confidente éconduite qui aurait pu passer pour bêtasse dans un roman de Jane Austen mais qui s’avère finalement assez perspicace. En ce qui concerne nos deux personnages principaux, j’ai tout lu, ici et là… Notamment que Philip était complètement niais et que Rachel n’était peut-être pas coupable. Objection votre honneur ! Philip, ne l’oublions pas, ne connaît pas les femmes, il a vécu quasiment reclus avec son cousin jusqu’à ses vingt-cinq ans, il ne peut pas devenir comme par magie spécialiste de la manipulation féminine ! Il découvre l’amour, laissons-lui cette candeur. Rachel quant à elle est un personnage tout en subtilité, cela dit je ne comprends pas trop comment on peut la penser innocente, même s’il est vrai que des interrogations peuvent subsister jusqu’au bout… En fait, tout n’est pas clair, nous n’avons affaire qu’au ressenti des personnages masculins qui eux-mêmes ne connaissent pas bien la jeune femme. Personnellement, je me suis demandé s’il n’y avait pas derrière ses multiples changements de comportement une maladie psychologique quelconque… En tout cas, il est bel et bien question de culpabilité dans ce roman, c’est le thème essentiel, mais Daphné Du Maurier est très habile et finalement le lecteur referme le roman en se posant la même question que celle énoncée par Philip dès les premières pages, en changeant simplement la focalisation : innocent, coupable ? Chacun y répondra en son âme et conscience. La fin, brève et intense, est magistrale !
L’œuvre en quelques mots…
« La vérité, c’est qu’il faut supporter la vie et la vivre. »
« Je jurai que, quelles que fussent les souffrances qu'Ambroise avait endurées avant de mourir, je les rendrais toutes à la femme qui en était la cause. »
« La jalousie d'un homme est comme celle d'un enfant, violente et absurde, sans profondeur. La jalousie d'une femme est adulte, c'est bien différent. »
« - Pars si tu veux, dis-je, mais pas tout de suite. Donne-moi encore quelques semaines à garder dans mon souvenir. Je ne suis pas un voyageur. Tu es pour moi le monde. »