Amélie Antoine, Quand on n'a que l'humour...
C’est l’histoire d’un humoriste en pleine gloire, adulé de tous, mais qui pense ne pas le mériter.
Un homme que tout le monde envie et admire, mais que personne ne connaît vraiment.
Un homme blessé qui s’est accroché au rire comme on se cramponne à une bouée de sauvetage.
C’est aussi l’histoire d’un garçon qui aurait voulu un père plus présent.
Un garçon qui a grandi dans l’attente et l’incompréhension.
Un garçon qui a laissé la colère et le ressentiment le dévorer.
C’est une histoire de paillettes et de célébrité, mais, surtout, l’histoire d’un père et d’un fils à qui il aura fallu plus d’une vie pour se trouver.
Que reste-t-il quand le rideau tombe ? Que reste-t-il quand le masque est retiré, quand le maquillage est effacé, quand l’homme se retrouve nu face à sa vérité, débarrassé des projecteurs et des artifices ? Que reste-t-il quand on a enlevé cette pellicule protéiforme qui nous sépare des autres ? Elle est parfois un sourire, parfois un mensonge. Elle nous protège et nous isole. Que reste-t-il ?
Edouard Bresson est l’humoriste du moment, tout lui réussit ! En apparence. Très vite, le lecteur comprend que le succès et les paillettes recouvrent des failles profondes et l’alternance des chapitres portant sur le présent et le passé nous aident à les découvrir. C’est le premier tour de force de ce roman à la narration très habilement maîtrisée, comme si les chapitres étaient cousus les uns aux autres pour mieux nous présenter le canevas que constitue la vie de notre personnage principal. Et puis, c’est au tour du fils d’envahir la scène dans la seconde partie du roman. Lui ne connaît pas tous les détails de l’enfance de son père. A vrai dire, il ne connaît pas non plus l’homme qu’il est devenu au fil des années car la charge de travail, les absences et les non-dits ont finit par éloigner le père et le fils... C’est une histoire de retrouvailles, d’une tristesse et d’une beauté infinies.
Je découvre avec Quand on n’a que l’humour… la plume d’Amélie Antoine et je suis séduite par l’habilité avec laquelle elle a construit son histoire. J’aurais aimé avoir l’idée qui lui a permis de passer d’une époque à l’autre avec une telle fluidité, mais je n’écris pas alors je suis bien contente qu’elle l’ait eue. J’ai aimé être surprise à un moment où je ne m’y attendais pas et j’ai aimé lire deux fois la même page, pour être sûre. J’ai par-dessus tout aimé les thèmes abordés dans ce roman dont le personnage principal n’est finalement pas seulement Edouard mais l’homme dans toute la complexité des liens qui l’unissent aux autres. Ce que j’ai préféré, je crois, c’est ce portrait de clown qui arrive à berner tous les inconnus qui l’adulent, qui reste insaisissable pour ceux qui lui sont proches et qui affiche tant d’assurance et de joie de vivre alors qu’il n’est que solitude.
C’est un roman d’une grande justesse qui a su résonner en moi…
L’œuvre en quelques mots…
« La première vague de solitude a toujours lieu dans la loge, pendant les quelques minutes de tranquillité où Edouard reprend son souffle après le spectacle. La seconde vague, la pire, se fracasse sur lui lorsqu’il rentre à son hôtel, ou à son appartement, au milieu de la nuit, seul. Il est toujours seul, qu’il soit accompagné ou non, qu’il ait cédé aux avances d’une femme plus entreprenante ou plus séduisante que les autres, qu’il y ait ou pas un autre corps que le sien dans son grand lit king size. Il est toujours, irrémédiablement, seul. Toute sa vie, il n’aura eu qu’une seule et unique raison de se lever, matin après matin : tenter de combler ce vide, tenter d’oublier ce sentiment d’isolement écrasant, celui-là même qui l’envahit dès qu’il n’est plus sur scène et qui lui donne l’impression de ne plus faire qu’errer. » (p.88)