Isabelle Pandazopoulos, La Décision
Un matin, Louise, excellente élève de terminale S, a un malaise en plein cours de maths.
Quelques instants plus tard, elle accouche seule d'un enfant dont elle ne savait rien, qu'elle n'a pas attendu, encore moins désiré.
Assaillie de questions, Louise, la jeune fille sans histoires, croit devenir folle. Pourtant l'évidence est là : ce bébé de 3,3 kg, son fils.
Comment l'accepter ?
Soutenue par sa famille, ses amis et les professionnels qui l'entourent, Louise va découvrir la vérité et réapprendre à vivre.
C’est l’histoire d’une jeune fille à qui tout réussit. Elle entretient de bonnes relations avec ses parents et son petit-frère, elle est entourée par des amis qui semblent ne lui trouver que des qualités, elle joue du violon, est première de sa classe, a un visage d’ange. Elle rayonne. Un jour, elle quitte son cours de mathématiques car elle se sent mal et se réfugie, accompagnée d’un camarade, dans les toilettes de son lycée. L’impensable se produit : elle donne la vie alors qu’elle ignorait la porter. Tous les protagonistes sont sous le choc, du Proviseur qui est le premier à découvrir Louise et le petit corps qui repose sur elle, à ses parents qui semblent ne pas comprendre la situation. Louise elle-même n’est pas en état de réaliser le bouleversement qui vient de s’introduire dans sa vie rangée de lycéenne, d’autant plus qu’elle affirme n’avoir jamais eu de relation sexuelle. Que s’est-il réellement passé ? Comment cette jeune fille qui n’est jamais tombée amoureuse a-t-elle pu tomber enceinte ? Pourquoi ne se souvient-elle de rien ? Le chemin qui mènera l’héroïne du déni à l’acceptation est aussi celui qui la conduira vers la découverte de la vérité. Quand Louise aura compris et retrouvé une forme de paix, alors elle pourra prendre sa décision.
C’est un roman que j’ai trouvé intelligent. Il est destiné aux adolescents et pour leur plaire, il est nécessaire de les happer dès les premières pages. A mon sens, ces premières pages sont les meilleurs passages du roman. On est immédiatement plongé dans l’histoire, il n’y a pas de perte de temps. Louise a mal de ventre, elle sort de cours, elle accouche, c’est aussi simple que cela. Le second tour de force, c’est d’avoir offert aux lecteurs une alternance de points de vue. C’est indispensable. On ne peut pas tout miser sur le point de vue de Louise qui est spectatrice de ce qui lui arrive, au départ du moins. C’est Samuel, son camarade, qui est le narrateur du premier chapitre. Viennent ensuite Alain Poirier, le proviseur, puis Mathilde Beaulieu, la mère, et Yannick, le père. Une fois la « découverte » passée, on entre dans une partie de l’histoire moins dynamique mais plus réflexive. On partage avec Louise son incompréhension, ses doutes. Elle est touchante, cette gamine déjà mère. Il y a, en outre, quelques passages fort jolis : « Quand il est avec moi, il me semble qu’il se tait. Tous les deux, nous savons les raisons de notre silence. C’est ce qu’on a en commun, notre manière à nous depuis le début de ne pas être ensemble. » (p. 138) Je ne crois pas qu’il y ait de faux pas, j’ai même trouvé qu’Isabelle Pandazopoulos évitait certaines facilités, mais je dois avouer que j’ai moins aimé les passages dans lesquels Louise partage des moments avec les autres très jeunes mamans du centre maternel dans lequel elle s’installe pour quelques temps.
L’œuvre en quelques mots…
« Je me rends compte à quel point il m’est difficile de parler, de penser, de revenir au moment précis où j’ai ouvert cette porte. Comme si je continuais malgré ce que j’ai vu à ne pas y croire vraiment. C’est la même sensation que laissent les cauchemars de la nuit au petit matin, un doute vite effacé sur la réalité de ce qui a été rêvé.
Sauf que rien n’effacera jamais cet enfant que j’ai vu sur le ventre de Louise Beaulieu. » (p.22)
« C’est la première fois de ma vie que je suis aussi désœuvrée. Je m’ennuie, j’erre d’un étage à l’autre, incapable de rien faire, les livres me tombent des mains, la musique me tape sur les nerfs, et chaque fois que je sors, je suis prise de vertiges. Mais qu’est-ce que je fous là ?
J’ai alors l’impression de m’être mis toute seule les menottes aux poignets. Mille fois, j’ai projeté de me barrer et de tout planter là, et mille fois, j’ai renoncé. Faire quoi et aller où ? On ne se fuit pas soi-même. » (p.134)